LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Madame Geneviève Z..., demeurant à Saint Denis de la Réunion (Réunion), 80, SHLMR Les Caricubes,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 mai 1985, par la cour d'appel de Saint Denis de la Réunion, au profit :
1°/ de la société commerciale Maurice Réunion (SCMR), société anonyme, représentée par Monsieur Didier CALMELS, syndic, dont le siège social est à Saint Denis de la Réunion (Réunion), ...,
2°/ de Monsieur Dominique Y..., demeurant à Saint Denis de la Réunion (Réunion), 9, SHLMR, rue du Maréchal Leclerc,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 27 octobre 1987, où étaient présents :
M. Fabre, président, M. Camille Bernard, rapporteur, MM. D..., B..., X..., C..., Grégoire, Kuhnmunch, Fouret, Bernard de Saint Affrique, conseillers, Mme Gié, conseiller référendaire, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Camille Bernard, les observations de la SCP de Chaisemartin, avocat de Mme Z..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de la société commerciale Maurice Réunion, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre M. Y... ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la Société Commerciale Maurice Réunion (SCMR) a consenti à la société à responsabilité limitée Cocorico, dont M. Y... était le gérant, de larges facilités de paiement au vu d'un compte d'exploitation faisant apparaître à l'actif un immeuble d'une valeur de 221 587,78 francs, alors qu'il était la propriété personnelle des époux Y... ; que, le 23 janvier 1980, les époux ont cédé leurs parts de la société Cocorico à M. A..., qui est devenu gérant ; que M. Y..., conscient de l'irrégularité constituée par le crédit fictif résultant de la mention à l'actif social d'un bien qui n'appartenait pas à la société, s'est, par acte sous seing privé du 9 mai 1980, engagé à rembourser à la SCMR les dettes de la société Cocorico arrêtées à la fin de son mandat de gérant ; que la SCMR, ayant appris que les époux Y... avaient vendu leur immeuble, a fait pratiquer avec autorisation de justice une saisie-arrêt sur le prix de vente, et les a assignés en paiement de la somme de 364 299,85 francs et en validité de la saisie-arrêt ; que l'arrêt confirmatif attaqué a accueilli ces demandes ;
Attendu que Mme Z..., divorcée Y..., fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamnée -conjointement avec son mari- à payer à la SCMR la somme dont son époux s'était reconnu débiteur par acte sous seing privé du 9 mai 1980, aux motifs que l'inscription du bien immobilier à l'actif social n'avait pu se faire qu'avec l'accord de l'épouse, actionnaire de la société et ayant accès au bilan ; que l'engagement pris par son mari, le 9 mai 1980, de payer les dettes sociales, lui était profitable, compte tenu des conséquences sur le plan pénal de l'établissement d'un crédit fictif au bilan ; alors, d'une part, qu'hormis le cas des dettes ayant pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, les engagements souscrits par un époux n'obligent pas l'autre qui y est demeuré étranger, de sorte que l'article 1165 du Code civil aurait été violé ; alors, d'autre part, que l'épouse, simple associée de la SARL, n'avait pas qualité pour établir le bilan ; que la seule connaissance qu'elle aurait pu avoir de l'inscription fausse d'un immeuble à l'actif de ce bilan ne la faisait pas participer à la constitution d'un crédit fictif et n'exposait donc à aucune conséquence pénale ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué aurait considéré à tort que l'engagement pris par son mari lui était profitable, ce qui entraînerait une nouvelle violation de l'article 1165 précité ; alors, enfin, qu'il n'aurait pas été répondu aux conclusions par lesquelles elle faisait valoir qu'elle était séparée de son époux depuis octobre 1979, de sorte qu'elle n'avait pu participer aux faits retenus à l'encontre de celui-ci ; Mais attendu, d'abord, que la juridiction du second degré relève que Mme Z..., propriétaire d'un immeuble avec son mari, a eu, en qualité d'associée de la société Cocorico dont son époux était le gérant, connaissance du bilan -qui lui a été communiqué en application de l'article 56 de la loi du 24 juillet 1966, pour son approbation dans les conditions prévues par l'article 57- sur lequel cet immeuble figurait faussement à l'actif social afin de faciliter l'obtention de crédit par la société, et qu'elle a donné son accord pour l'inscription du bien au bilan ; que, par ces constatations et énonciations caractérisant la faute commise au préjudice de la société SCMR, ayant accordé de larges facilités de paiement pour le règlement de fournitures, la décision se trouve légalement justifiée, abstraction faite de la critique formulée par la première branche du moyen ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à une allégation inopérante de Mme Z... puisque l'antériorité de la séparation de fait entre les époux était invoquée par rapport à l'engagement souscrit par le mari le 9 mai 1980 et non pas vis-à-vis de l'inscription de l'immeuble au bilan de la société Cocorico ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;