LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Madame Ginette E. veuve E.., demeurant à Simiane-La-Rotonde (Alpes-de-Haute-Provence), Les Ribes Neuves,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 mai 1985 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1ère chambre civile), au profit de Monsieur Gérard E.., demeurant Foyer SONACOTRA à Echirolles (Isère),
défendeur à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 15 décembre 1987, où étaient présents :
M. Fabre, président ; M. Kuhnmunch, rapporteur ; MM. Ponsard, Jouhaud, Viennois, Grégoire, Lesec, Fouret, Bernard de Saint-Affrique, conseillers ; Mme Gié, conseiller référendaire ; M. Charbonnier, avocat général ; Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Kuhnmunch, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme E., de Me Blanc, avocat de M. E.., les conclusions de M. Charbonnier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Léon E.. est décédé le 17 décembre 1978 laissant à sa succession sa seconde épouse Mme Ginette E.. et son fils Gérard, né de son premier mariage ; que les époux E.. s'étaient mariés en 1952 sous le régime légal de la communauté de meubles et acquêts ; que, par acte notarié du 27 janvier 1974, homologué le 29 mai suivant, ils avaient adopté le régime de la séparation de biens ; que, lors des opérations de partage de la succession et de l'ancienne communauté conjugale non encore liquidée, est survenu un litige entre Mme E.. et M. Gérard E.. à propos d'une maison acquise par Mme E.. ; que la cour d'appel (Aix-en-Provence, 22 mai 1985) a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a dit que cet immeuble était commun et donc rapportable à la succession mais a jugé que Mme E.. s'était rendue coupable de recel en ce qui concerne cet immeuble ; Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que Mme E.. reproche à la cour d'appel d'avoir retenu contre elle l'existence d'un recel alors que, de première part, elle n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 792 du Code civil en ce qu'elle ne se serait pas expliquée sur le point de savoir en quoi le seul fait que la vente n'ait pas été authentifiée avant l'homologation, le 29 mai 1974, du changement de régime matrimonial aurait pu caractériser la fraude, ayant elle-même relevé que la SAFER n'avait pris que le 22 mai 1974 la décision de ne pas exercer son droit de préemption ; alors que, de deuxième part, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale en jugeant que l'immeuble avait été recélé bien que Mme E.., comme l'avait relevé le tribunal, n'ait rien fait pour que l'achat de la maison passe inaperçu, les mentions essentielles de l'acte de vente ayant été transcrites dans l'inventaire notarié ; et alors que, enfin, la cour d'appel aurait encore privé sa décision de base légale en ne justifiant pas que Mme E.. ait pu avoir conscience que la vente était parfaite dès le versement de l'acompte initial, et non pas après la passation de l'acte authentique, et donc en ne caractérisant pas l'intention de dissimuler une vente conclue sous le régime de la communauté ; Mais attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits constitutifs du recel, la cour d'appel a relevé que M. Gérard E.. "est fondé à se plaindre de ce que sa belle-mère a dissimulé dans l'inventaire de la succession de son mari que la maison..., dont elle se disait propriétaire, avait en réalité été achetée durant la communauté et payée à partir du compte-joint des deux époux, aucun partage de deniers ou autre n'ayant d'ailleurs suivi le changement de régime matrimonial" ; qu'elle a encore relevé que la mauvaise foi de Mme E.. était certaine dès lors que le notaire avait pris soin d'indiquer dans l'acte de changement de régime matrimonial que celui-ci ne prendrait effet entre époux qu'à dater de la décision d'homologation ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses trois premières branches ; Et sur la quatrième branche du moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas avoir répondu aux conclusions de Mme E.. faisant valoir qu'elle n'avait pu avoir d'intention frauduleuse alors que, selon le moyen, celle-ci avait produit des certificats médicaux attestant qu'elle avait souffert de troubles graves la mettant dans l'impossibilité d'avoir conscience de participer à une fraude et qu'elle avait soutenu qu'ayant signé en son nom un acte notarié, elle avait cru que la maison lui appartenait et que, même si une partie du prix avait pu être payée avec des deniers communs, elle pouvait légitimement penser qu'il s'agissait d'une rémunération des soins constants prodigués à un mari malade ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant caractérisé la mauvaise foi de Mme E.., n'était pas tenue de la suivre dans le détail de son argumentation ; que le moyen n'est donc pas fondé en sa quatrième branche ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;