LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi n° 86-10.752 formé par :
1°/ Monsieur François B..., demeurant à Paris (8ème), ...,
2°/ Madame Myriam H... épouse Z...
B..., demeurant à Paris (8ème) ...,
CONTRE :
1°/ LA CAISSE DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES CADRES DE L'INDUSTRIE DU PETROLE ET ACTIVITES CONNEXES (CRPCIP), dont le siège est à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), ...,
2°/ Monsieur X...
H..., demeurant ... (Eure) Tourny,
3°/ Madame Alice G... épouse C..., demeurant ... (Eure) Tourny,
4°/ la Compagnie GENERALE DE FINANCEMENT MOBILIER COGEFIMO, dont le siège social est à Paris (8ème), ...,
5°/ la BANQUE LA HENIN, dont le siège est à Paris (8ème), ...,
Et sur le pourvoi n° 86-11.089 formé par :
1°/ Monsieur X...
C...
2°/ Madame Alice G... épouse C...,
CONTRE :
1°/ la CAISSE DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES CADRES DE L'INDUSTRIE DU PETROLE ET ACTIVITES CONNEXES (CRPCIP),
2°/ la Compagnie GENERALE DE FINANCEMENT MOBILIER COGEFIMO,
3°/ la BANQUE LA HENIN,
EN PRESENCE :
1°/ de Monsieur François B...,
2°/ de Madame Myriam H... épouse B...,
en cassation du même arrêt rendu le 26 novembre 1985 par la cour d'appel de Rouen (1ère chambre civile) ; Les époux B..., demandeurs au pourvoi n° 86-10.752, invoquent à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les époux C..., demandeurs au pourvoi n° 86-11.089, invoquent à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 mars 1988, où étaient présents :
M. Ponsard, président ; M. Barat, rapporteur ; M. Fabre, président faisant fonctions de conseiller ; MM. E..., Y... Bernard, Massip, Viennois, Zennaro, Kuhnmunch, Fouret, Bernard de Saint-Affrique, conseillers ; M. Charruault, conseiller référendaire ; Mme Flipo, avocat général ; Melle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Barat, les observations de la SCP Vincent Delaporte et François-Henri Briard, avocat des époux B..., de Me Choucroy, avocat de la Caisse de retraite et de prévoyance des cadres de l'industrie du pétrole et activités connexes (CRPCIP), de la SPC Fortunet et Mattéi-Dawance, avocat des époux C..., les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre la Banque La Hénin et la Compagnie Générale de Financement Immobilier (COGEFIMO) ; Vu leur connexité, joint les pourvois n° 86-10.752 et 86-11; 089 ; Sur les moyens des deux pourvois, pris en leurs diverses branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'une information pénale avait été ouverte en 1965 contre M. C... à la suite de plusieurs prêts qu'il avait obtenus dans des conditions frauduleuses de la Caisse de Retraite et de Prévoyance de l'Industrie du Pétrole et Activités Connexes (CRPCIP) et que par ordonnance du 30 septembre 1970 le juge d'instruction l'avait renvoyé devant le tribunal correctionnel, sous l'inculpation de recel d'abus de biens sociaux ; que le 9 septembre précédent, M. C... avait, avec Mme F..., son épouse commune en biens, vendu aux époux B..., leurs fille et gendre, une propriété moyennant le prix de 220 000 francs, payé à concurrence de 73 000 francs dès avant le jour de l'acte et directement et pour le surplus à l'aide de deux emprunts hypothécaires souscrits auprès de la Banque La Hénin et de la COGEFIMO ; qu'une décision de la juridiction repressive, rendue le 8 janvier 1974 et devenue irrévocable, a condamné M. C..., in solidum avec d'autres inculpés, à payer à la CRPCIP, partie civile, la somme de 16 500 000 francs en réparation du préjudice résultant des infractions pénales ; que sur l'assignation de la CRPCIP, agissant en sa qualité de créancière sur le fondement de l'article 1167 du Code civil, l'arrêt attaqué a prononcé la révocation de la vente consentie le 9 septembre 1970 par les époux D...
A... aux époux B... et le retour de cet immeuble dans la communauté des époux D...
A... où la CRPCIP pourra seule le saisir ;
Attendu que les époux C... et les époux B... reprochent à l'arrêt attaqué (Rouen, 26 novembre 1985) d'avoir ainsi statué alors que, d'une part, la cour d'appel, qui avait constaté que le prix de la vente litigieuse n'était ni dérisoire ni trop peu élevé et qu'il avait servi, en grande partie à désintéresser les créanciers hypothécaires, prioritaires par rapport à la CRPCIP, devait, selon le moyen, déduire de ces constatations que la vente critiquée n'avait causé aucun préjudice à la CRPCIP et rejeter l'action paulienne, alors que, d'autre part, il convenait, pour apprécier le préjudice pouvant résulter de la vente litigieuse de se placer à la date de l'arrêt du 8 janvier 1974 qui a consacré la créance de la CRPCIP et alors enfin, que les juges du second degré ne pouvaient, selon le moyen, en prononçant la révocation de la vente, affirmer que la CRPCIP pourrait seule saisir l'immeuble sans limitation et alors que, de troisième part, l'action paulienne ne pouvant avoir pour effet de permettre aux créanciers de se trouver placés dans une situation meilleure que celle qui aurait été la leur si l'acte litigieux n'avait pas été effectué, la cour d'appel, qui avait constaté qu'une partie du prix de vente de l'immeuble avait été utilisée pour désintéresser des créanciers hypothécaires, ne pouvait, selon le moyen, prononcer la révocation de la vente en affirmant que la CRPCIP pourrait seule saisir l'immeuble sans aucune limitation ; Mais attendu d'abord que la cour d'appel, après avoir énoncé qu'il n'était pas démontré que les créanciers hypothécaires désintéressés à l'aide de fonds provenant de la vente litigieuse entendaient diligenter des procédures de saisie, a constaté par une appréciation souveraine, que la vente avait été passée par les époux C..., avec la complicité des époux B... au détriment des intérêts de la CRPCIP et dans le but de lui nuire en transformant un immeuble en un capital susceptible d'être aisément soustrait aux poursuites des créanciers ; qu'ayant ainsi caractérisé l'existence de la fraude et du préjudice elle a pu en déduire que les conditions de l'action paulienne étaient réunies en l'espèce, indépendamment de la date d'exigibilité de la créance dont le principe était certain au jour de l'acte attaqué ; Et attendu ensuite que l'admission de la fraude paulienne a pour effet de révoquer rétroactivement l'acte frauduleux à l'égard du seul créancier poursuivant ; que la juridiction du second degré qui n'a pas dit que cette révocation ne serait pas limitée à la mesure de l'intérêt du créancier a fait une juste application de l'article 1167 du Code civil ; D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;