LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Dhanjee X..., en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1985 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, au profit de Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près le tribunal de grande instance de SAINT-PIERRE (Réunion), domicilié en son Parquet au palais de justice, 28, rue Archambaud,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 mars 1988, où étaient présents :
M. Ponsard, président, M. Massip, rapporteur, M. Fabre, président faisant fonctions de conseiller, MM. Jouhaud, Camille Bernard, Barat, Viennois, Zennaro, Kuhnmunch, Fouret, Bernard de Saint-Affrique, conseillers, M. Charruault, conseiller référendaire, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Massip, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Dhanjee X..., de Zivraj X..., et de Ramba D..., dite R..., son épouse ;
qu'aux termes d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 29 octobre 1957 par le juge de paix de Morondava (Madagascar), Mme R... est née à M... de Djiva D... et d'Amirsy M..., son épouse ;
que M. X... a introduit une demande pour se faire reconnaître la nationalité française en faisant valoir que sa mère était française en vertu de l'article 2, 5°, du décret du 6 septembre 1933 comme étant née à Madagascar de parents légalement inconnus et ne s'étant pas vue attribuer la nationalité malgache par voie de disposition générale ;
que l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 22 novembre 1985), statuant sur renvoi après cassation, a débouté M. X... de sa demande au motif, notamment, que la filiation légitime de Mme R... était établie par la possession d'état, de sorte qu'elle n'aurait pu être française que si un de ses parents avait lui-même la nationalité française, ce qui n'est même pas allégué ;
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, le jugement supplétif d'acte de naissance, rendu dans les termes de l'article 46 du Code civil, s'il rapporte la preuve de la naissance en 1918 de Mme R..., fille de Djiva D... et de Amirsy M..., son épouse, ne se prononce pas sur la possession d'état d'enfant légitime de Mme R... , alors que, d'autre part, les motifs de l'arrêt attaqué ne permettent pas de vérifier la teneur des énonciations du jugement supplétif et en quoi elles impliquent que les éléments de la possession d'état se trouvaient réunies ;
et alors que, enfin, l'arrêt attaqué, qui déduit la possession d'état d'enfant légitime des énonciations du jugement supplétif d'acte de naissance, relatives seulement à l'état civil de l'intéressé, et qui n'impliquent nullement cette possession, a méconnu le sens et la portée de ce jugement en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel relève que le jugement supplétif de naissance de Mme R..., établi après une enquête au cours de laquelle divers témoignages ont été recueillis, énonce que les parents de l'intéressée étaient mariés et avaient vécu publiquement comme mari et femme ;
qu'elle a en conséquence estimé que la preuve de la possession d'état d'enfant légitime de Mme R... était rapportée, que sa filiation était établie et que, dès lors, contrairement à ce que prétendait son fils, elle n'était pas française comme née à Madagascar de parents inconnus ;
qu'ainsi, l'arrêt attaqué est légalement justifié et que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'admettre M. X... à faire la preuve de sa nationalité française par la possession d'état, en violation des dispositions de l'article 143 du Code de la nationalité ;
Mais attendu que l'article 143 précité, s'il dispose que, lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source que dans la filiation, elle est tenue pour établie si l'intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui
transmettre ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français, réserve la preuve contraire ;
que la cour d'appel, en énonçant que la mère de M. X... ne pouvait être française que si un de ses parents avait eu lui-même la nationalité française, ce qui n'est même pas allégué, a estimé que cette preuve contraire était rapportée ;
qu'ainsi, loin de refuser d'appliquer le texte précité, l'arrêt attaqué en a fait une exacte application ;
que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;