LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) Monsieur Joseph Y..., demeurant à Canet Plage (Pyrénées-Orientales), ... ; 2°) LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE HELIOS à CANET PLAGE, précédemment représenté par son syndic, la société à responsabilité limitée MEDITTERRANEENNE D'ADMINISTRATION elle-même représentée par Monsieur SAMSON, syndic de sa liquidation des biens, et actuellement représenté par son syndic en exercice, la société à responsabilité limitée PARIS ROUSSILON IMMOBILIER, dont le siège est à Perpignan (Pyrénées-Orientales), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 décembre 1985 par la cour d'appel de Montpellier (1ère chambre), au profit de :
1°) Madame veuve Z..., née Claude B..., prise en sa qualité d'héritière de M. Israël Z... décédé, domiciliée à Hereilla (Israël), 13-21 Shmmouel Hanaguid ; 2°) Monsieur Françoise C..., demeurant à Canet Plage (Pyrénées-Orientales), HLM Les Candelles, bâtiment A, ; défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 18 mai 1988, où étaient présents :
M. Fabre, président maintenu comme conseiller faisant fonctions de président, M. Bernard de Saint-Affrique, rapporteur, MM. X... Bernard, Barat, Massip, Viennois, Zennaro, Kuhnmunch, Fouret, conseillers, M. Charruault, conseiller référendaire, M. Dontenwille, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bernard de Saint-Affrique, les observations de la SCP Michel et Christophe Nicolay, avocat de M. Y... et du Syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios, de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de Mme veuve Z..., les conclusions de M. Dontenwille, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre M. C... ;
Attendu, selon les énonciations des juges d'appel que le syndicat des copropriétaires de la Résidence Hélios à Canet-Plage, a poursuivi notamment M. Z..., alors domicilié en Israel, pour obtenir le recouvrement de condamnations prononcées in solidum à l'encontre de celui-ci et de M. C..., au titre de la réparation de malfaçons affectant l'immeuble de la copropriété, et qu'à cette fin il a fait procéder le 14 octobre 1977 à la licitation du lot de M. Z... dans la même copropriété, après avoir diligenté le 7 septembre 1977, la vente judiciaire de celui appartenant à M. C... ; que sur une action en dommages-intérêts formée par M. Z... pour obtenir réparation du préjudice qu'il soutenait avoir subi, en conséquence de l'adjudication de son appartement dans de telles conditions, l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 décembre 1985) a condamné in solidum le syndicat en cause, ainsi que M. Y..., pris en qualité de mandataire de M. Z..., à indemniser ce dernier ; Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :
Attendu que le syndicat de la Résidence Hélios fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que, d'une part, le créancier d'une obligation in solidum, peut agir contre tout débiteur de son choix et qu'en lui reprochant d'avoir dirigé son action contre M. A... au motif que des poursuites étaient également en cours à l'égard d'un codébiteur in solidum, l'arrêt attaqué a violé les articles 1203 et 1204 du Code civil, alors que, de deuxième part, une saisie immobilière ne saurait être annulée en tant que portant sur une somme supérieure à celle réellement due et que la cour d'appel qui ne pouvait donc caractériser de ce chef les fautes invoquées n'a pas légalement justifié sa décision ; alors, de troisième part, que l'article 1382 du Code civil a été violé en tant que les juges d'appel ont admis qu'un préjudice était occasionné à M. A..., bien qu'ayant relevé que celui-ci s'était trouvé colloqué pour l'intégralité de la somme pouvant lui revenir après la vente de son bien, et que de surcroît une action en nullité pouvait être intentée à l'égard de l'adjudication litigieuse ; et alors enfin que l'article 1895 du Code civil a été méconnu par la décision attaquée, en ce qu'elle a retenu que le préjudice de M. Z... devait être réparé sur le fondement d'une comparaison à effectuer entre le prix d'adjudication de son appartement et la valeur actuelle de celui-ci, contrairement à la règle légale prescrivant que l'obligation afférente à une somme d'argent est toujours de la somme numérique énoncée ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé au vu des éléments de la cause et plus particulièrement du contenu d'un rapport d'expertise déposé en première instance, que la créance du syndicat des copropriétaires avait été totalement garantie par la vente de l'appartement de M. C..., codéditeur solidaire de M. A..., laquelle avait été effectuée le 7 septembre 1977 ; que les juges d'appel ont pu en déduire que le fait par le même syndicat d'avoir néanmoins poursuivi, le 14 octobre 1977, l'adjudication du lot de copropriété appartenant à M. A..., constituait un abus de droit de nature à justifier, en son principe, une réparation dont le montant relève de leur appréciation souveraine ; qu'ainsi la juridiction du second degré a légalement justifié sa décision qui n'encourt aucune des critiques du moyen ; que celui-ci sera donc écarté en ses diverses branches ; Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y... reproche à la décision attaquée, d'avoir retenu sa responsabilité, en tant que mandataire chargé par M. A... de gérer et d'administrer son lot de copropriété, objet de la licitation litigieuse, pour ne pas s'être opposé à la vente de ce bien, et de l'avoir condamné in solidum avec le syndicat de la copropriété, à la réparation du préjudice qui s'en était suivi, alors, selon le moyen, que, d'une part, il ne pouvait rien faire au-delà de ce qui était porté dans son mandat, aux termes duquel il avait reçu, suivant les constatations des juges du fond, non pas un mandat général, mais seulement un pouvoir spécial pour encaisser des loyers et payer des charges de copropriété, et qu'ainsi la cour d'appel, en prononçant une condamnation à son encontre, pour n'avoir pas défendu les intérêts de son mandant, a violé l'article 1989 du Code civil, alors, d'autre part, qu'une responsabilité contractuelle, ne pouvait être engagée que dans la mesure où une obligation du contrat avait été violée, et qu'en ayant admis que M. Y... avait encouru une responsabilité en ne se substituant pas à son mandant pour assurer la défense des intérêts de celui-ci, cependant dûment informé de la procédure dont il était l'objet et à laquelle il pouvait s'opposer, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 1147 du Code civil, et alors enfin que la juridiction du second degré n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1200 du même Code, en prononçant une condamnation in solidum sans apporter aucun motif à l'appui ;
Mais attendu que les juges d'appel ont constaté qu'il était établi par les documents de la cause, que M. Y... "gérait le studio de M. Z..., depuis le mois de mars 1977, encaissait les loyers, payait les charges de copropriété" et qu'à l'époque où lui avait été confié ce mandat non contesté dans sa réalité, il était encore syndic de la copropriété dont dépendait le studio à gérer ; qu'ils ont également relevé "les liens existant entre M. Y... et la société devenue syndic de l'immeuble après son départ", dont il reconnaissait "faire partie" ; que par une appréciation souveraine de l'étendue du mandat de gestion exercé dans de telles conditions, la cour d'appel a admis "qu'en l'absence de son mandant hors de France", M. Y... "avait le devoir de s'occuper de ses intérêts" bien que ne disposant pas d'un mandat général ; qu'elle a donc pu en déduire que ce mandataire avait méconnu ses obligations et engagé sa responsabilité en laissant poursuivre sciemment par le syndicat des copropriétaires la licitation du studio litigieux, qui est intervenue, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, sur une procédure de saisie immobilière dont l'intéressé avait pris l'initiative, alors qu'il était encore syndic de la copropriété, et dont la poursuite par le syndicat a été reconnue comme constitutive d'un abus de droit eu égard à ce que la créance qu'elle concernait se trouvait déjà entièrement garantie par une précédente licitation ; qu'enfin l'arrêt attaqué a constaté que ce comportement fautif dont l'intéressé avait fait preuve en n'accomplissant aucune diligence pour préserver les intérêts de son mandant, venait en concours, avec l'abus de droit imputable au syndicat des copropriétaires pour former un tout indivisible, justifiant, selon les termes du dispositif de la même décision, la condamnation "in solidum" des auteurs de ces fautes, à réparer le dommage qui s'en est suivi pour M. Z... ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision qui n'encourt aucun des griefs du moyen ; que celui-ci sera donc écarté en ses trois branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;