Attendu que le 5 août 1977, Max X..., président-directeur général de la société anonyme dénommée Société alsacienne d'importation de café, dite SATI, avait cédé 92 actions de cette société à sa maîtresse, Mme Z..., moyennant le prix de 699 200 francs, stipulé payable comptant à concurrence de 460 000 francs et le solde en deux fractions, l'une de 100 000 francs, le 1er août 1981, et l'autre de 139 200 francs, le 1er août 1982 ; que, le 19 août 1977, Mme Z... avait donné à sa banque, le Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine, l'ordre de virer au compte de Max X... à l'agence de Schaffhouse (Suisse) de l'Union des banques suisses, la somme de 460 000 francs français, représentant la première fraction du prix de cession des actions ; que trois jours plus tard, Max X... faisait ouvrir à la Banque cantonale de Schaffhouse un compte personnel au nom de Mme Z... sur lequel il faisait virer, le 24 août 1977, une somme de 224 940 francs suisses, représentant la contre-valeur, à cette date, des 460 000 francs français qu'il avait reçus de Mme Z..., le 19 août précédent ; qu'il est décédé le 20 avril 1978, laissant pour seule héritière sa fille, Marie-Thérèse, épouse Y... ; que cette dernière, ne retrouvant aucune trace dans la succession de son père de la somme de 460 000 francs, représentant la première fraction du prix de cession des actions de la société SATI, a fait assigner Mme Z... pour faire juger que la cession de ces actions dissimulait, sous la forme d'une vente, une donation consentie par son père à sa maîtresse et faire déclarer nulle cette donation déguisée ; que l'arrêt infirmatif attaqué, retenant que les diverses opérations du mois d'août 1977 traduisaient clairement l'intention de Max X... d'avantager sa maîtresse au préjudice de sa fille légitime, sous l'apparence d'une vente fictive, et en infraction à la législation sur les changes, a condamné Mme Z... à restituer à la succession de Max X... les 92 actions au porteur de la société SATI ayant fait l'objet de la cession du 5 août 1977, ainsi que les dividendes produits par ces actions depuis le 25 août 1977 et les intérêts légaux de ces dividendes à compter de leur distribution ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Z... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que la qualification de donation déguisée ne pouvant être retenue qu'en présence d'une dissimulation cherchant à créer une apparence trompeuse, la cour d'appel, qui avait constaté que la somme de 460 000 francs, représentant la première fraction du prix de cession des actions, avait été ostensiblement versée à Max X... et que celui-ci avait tout aussi ostensiblement versé une somme équivalente à Mme Z... quelques jours plus tard, ne pouvait, sans violer les articles 1582 et 1099, alinéa 2, du Code civil, décider qu'il s'agissait d'une donation déguisée ;
Mais attendu que les juges du second degré ont estimé, par une appréciation souveraine, que les opérations du mois d'août 1977 présentaient un caractère unique d'où il résultait que la même somme de 460 000 francs, entrée dans le compte de Max X... en était immédiatement ressortie pour créer un compte du même montant, exprimé en francs suisses, à la Banque cantonale de Schaffhouse au profit de Mme Z... ; qu'ils ont pu voir dans le rapprochement de ces opérations simultanées, dont le but était de créer une apparence trompeuse, la dissimulation constitutive de la donation déguisée, d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
LE REJETTE ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 3 du Code civil et les principes du droit international privé qui gouvernent le droit des successions et des libéralités, ensemble l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les libéralités entre vifs sont soumises à la loi successorale pour tout ce qui concerne les règles protectrices des droits des héritiers, spécialement celles relatives à la réserve héréditaire, et que les successions mobilières sont régies par la loi du dernier domicile du défunt ;
Et attendu que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;
Attendu que, pour annuler la donation déguisée consentie par Max X... à Mme Z..., l'arrêt retient que la dissimulation opérée avait eu pour objet de priver l'enfant légitime d'une partie de la succession de son père ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Max X... avait son dernier domicile en Suisse, sans rechercher, au besoin d'office, quelle suite devait être donnée à l'action de Mme Y... en application de la loi helvétique, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz