Joint les pourvois n°s Z/86-17.593 et J/86-18.039, formés contre le même arrêt et qui invoquent les mêmes moyens ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Paris, 9 juillet 1986) a annulé un jugement du tribunal de grande instance en date du 7 février 1986, également frappé d'un pourvoi en cassation, qui déclarait inopposable en France, entre cinquante-deux pilotes de ligne de la compagnie Air Afrique et cette compagnie elle-même, un arrêt rendu le 18 janvier 1985 par la cour d'appel d'Abidjan (Côte d'Ivoire) qui prononçait la résolution judiciaire des contrats de travail liant cette société et lesdits pilotes ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les pilotes font d'abord grief à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'appel formé contre la décision déclarant inopposable en France l'arrêt précité de la cour d'appel d'Abidjan, alors que, selon le pourvoi, l'action en inopposabilité relève nécessairement du régime procédural de l'action en exequatur, et que, en vertu de l'article 38 de l'accord de coopération franco-ivoirien en matière de justice en date du 24 avril 1961, la décision rendue sur une telle action ne peut faire l'objet que d'un recours en cassation ; qu'ils soutiennent, subsidiairement, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions par lesquelles ils faisaient valoir que, de l'aveu même de la compagnie Air Afrique, le régime procédural de l'action en inopposabilité était similaire à celui de l'action en exequatur, qui exclut la voie de l'appel ;
Mais attendu, d'abord, que l'interprétation authentique de l'accord précité du 24 avril 1961 a été donnée par un accord sous forme d'échange de lettres du 11 avril 1986 entre les gouvernements français et ivoirien, publié en vertu du décret n° 86-709 du 14 avril 1986 ; qu'il résulte de cet accord interprétatif que, lors de l'accord de 1961, les hautes parties contractantes ont entendu distinguer expressément la notion de reconnaissance d'une décision de justice de celle de la poursuite de son exécution forcée dans l'un ou l'autre Etat, chacune d'elles relevant d'un régime procédural particulier, et ont entendu exclure ainsi en matière contractuelle toute action principale en inopposabilité intentée dans l'un des pays signataires contre une décision rendue sur le territoire de l'autre et qui y aurait acquis force de chose jugée ; que cette interprétation ainsi donnée par un accord régulièrement publié s'impose au juge ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions qui ne soutenaient pas clairement l'existence d'un contrat judiciaire en vue de soumettre l'action en inopposabilité à la compétence en dernier ressort du juge des référés, et cela quelle que soit l'interprétation à donner de l'accord franco-ivoirien de 1961 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir annulé le jugement en ce qu'il avait accueilli l'action en inopposabilité formée contre l'arrêt de la cour d'appel d'Abidjan du 18 janvier 1985, alors que, selon le pourvoi, l'action en inopposabilité d'un jugement étranger est le corollaire nécessaire de l'action en exequatur lorsque ce jugement a autorité de plein droit en France et ne pouvait être exclue que par une disposition conventionnelle expresse et alors, en outre, que le décret du 14 avril 1986, postérieur au jugement frappé d'appel, ajoute à l'accord franco-ivoirien, sous prétexte d'interprétation, et ne peut avoir effet sur une procédure en cours ;
Mais attendu que l'accord sous forme d'échange de lettres du 11 avril 1986, publié par ledit décret, se présente expressément comme ayant un caractère interprétatif ; qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de discuter ce caractère ; que, par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois