Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 juillet 1986) que MM. X... et Y..., avocats, désireux de placer des fonds dans un commerce de restauration et conscients des impossibilités juridiques qu'ils rencontraient en raison de leur qualité, se sont adressés à leur confrère, M. Z... ; que M. Z... a établi l'acte de vente du fonds de commerce, l'acte constitutif d'une société à responsabilité limitée et une convention de prêt en compte courant, la totalité des fonds ayant été apportée par MM. X... et Y..., à l'exclusion du troisième associé ; que des poursuites disciplinaires ont été engagées contre M. Z... ; que la cour d'appel, statuant en assemblée des chambres, a confirmé la décision du conseil de l'Ordre qui avait prononcé à son encontre une peine de trois mois de suspension, dit que M. Z... ne pourrait plus faire partie du conseil de l'Ordre durant cinq ans et que sa décision serait affichée durant 15 jours dans les locaux du conseil de l'Ordre ;
Sur l'irrecevabilité, relevée d'office, du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'Ordre des avocats au barreau de Toulouse :
Attendu que M. Z... a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu par l'assemblée des chambres de la cour d'appel de Toulouse statuant en matière disciplinaire ; qu'il a dirigé son pourvoi contre l'Ordre des avocats au barreau de cette ville ;
Attendu que ledit Ordre, dont le Conseil a statué en tant que juridiction disciplinaire, n'a pas pu être partie à la procédure devant les juges d'appel ; qu'il s'ensuit que le pourvoi est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre l'Ordre des avocats au barreau de Toulouse, qui n'est dès lors, ni autorisé à déposer un mémoire en défense ni même à faire présenter devant la Cour de Cassation de simples observations ;
Attendu que M. Z... a signifié son mémoire en demande à M. le procureur général près la cour d'appel de Toulouse ; que son pourvoi est donc recevable, ce haut magistrat étant partie principale à l'instance disciplinaire ;
Sur le moyen présenté par M. Ravina dans une note complémentaire :
Attendu que M. Z... soutient que l'Ordre des avocats au barreau de Toulouse a été partie à l'instance, puisqu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que ledit Ordre est " intimé, représenté par M. le bâtonnier G. Boyer " et que le bâtonnier " s'en est rapporté ", ce qui équivaudrait droit à une contestation de la demande de la part d'une partie en violation des droits de la défense ;
Mais attendu, abstraction faite de la qualification erronée concernant l'Ordre des avocats - non partie à l'instance -, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le procureur général a conclu à la confirmation de la décision déférée et que le bâtonnier s'en est rapporté ; qu'il découle de ces énonciations que le bâtonnier a été seulement entendu en ses observations, en vertu de l'article 123 du décret du 9 juin 1972, et qu'à ce titre son opinion, quelle qu'elle ait été, n'a pu constituer une violation des droits de la défense ;
Sur le moyen additionnel, qui est préalable :
Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir été rendu sur les conclusions du ministère public, entendu avant l'appelant, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 443 du nouveau Code de procédure civile, le ministère public, partie jointe, a la parole le dernier et que cette règle générale est d'ordre public ;
Mais attendu que dans la procédure disciplinaire l'avocat doit avoir la parole le dernier ; que M. Z... ne peut donc se plaindre de ce que cette règle a été observée dans la procédure suivie contre lui ; d'où il suit que le grief est sans fondement ;
Sur le moyen unique du mémoire ampliatif, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir prononcé les peines disciplinaires rappelées ci-dessus, alors, selon le moyen, d'une part, que la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas incompatible avec l'exercice de la profession d'avocat à condition que l'avocat ne soit pas gérant et ne s'immisce pas, directement ou par personne interposée, dans la gestion de la société ; qu'en jugeant que M. Z... avait manqué à ses obligations professionnelles bien que les trois actes qu'il avait seulement reçu mission de rédiger ne fussent pas contraires aux incompatibilités légales concernant l'exercice de la profession d'avocat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 57 du décret du 9 juin 1972 ; alors, d'autre part, qu'en fondant la condamnation de M. Z... sur le motif que l'intention véritable des avocats avait été de faire du commerce dans un but spéculatif en dissimulant cette activité derrière une SARL et un gérant qui, bien qu'associé, n'avait apporté aucun fonds sans justifier que M. Z..., rédacteur des actes, ait pu avoir connaissance du caractère fictif des apports du gérant et en relevant, au contraire, que les avocats avaient seulement affiché l'intention de faire fructifier un capital, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 7 de la loi du 31 décembre 1971 ; et alors, enfin, que M. Z... ayant fait valoir dans ses conclusions que son cabinet avait suggéré aux avocats une démarche auprès du bâtonnier et leur avait rappelé l'obligation pour les associés d'une SARL ayant la qualité d'avocats de ne pas s'immiscer dans sa gestion, il n'a pas été répondu à ces conclusions et que l'arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard du devoir de conseil de l'avocat rédacteur d'actes et au regard de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que l'objet de la SARL comprenait, aux termes de l'article 4 des statuts : " la restauration, l'épicerie fine, bar, hôtel, salle de jeu, night-club, cave de vins, lavomatic et toutes activités s'y rattachant ", objet social " particulièrement étendu " et manifestement contraire à la délicatesse et à la dignité de l'avocat, la cour d'appel énonce, par une appréciation souveraine de l'ensemble des faits de la cause, que M. Z... ne pouvait ignorer le but spéculatif poursuivi par MM. X... et Y..., seuls maîtres de l'affaire, et la circonstance que le gérant, bien qu'associé, n'avait en réalité apporté aucun fonds ; que de ces constatations et énonciations la cour d'appel a pu déduire qu'en ne mettant pas " sérieusement en garde " ses confrères contre la violation par eux des règles déontologiques, M. Z... avait manqué à ses obligations professionnelles ; que par ces motifs, qui écartent implicitement mais nécessairement les moyens invoqués des conclusions, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit qu'en aucune de ses trois branches, le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi