LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Madame Jacqueline Y..., épouse Z..., demeurant à Douvres La Délivrance (Calvados) ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 janvier 1986 par la cour d'appel de Caen (1ère chambre, section B), au profit de :
1°) Monsieur Denis Y..., demeurant à Paris (6ème), ...,
2°) Monsieur Gaétan Y..., demeurant à Paris (6ème), ...,
3°) Madame Josephe B..., née Y..., demeurant à Fabregues (Hérault) avenue de la Gare,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 octobre 1989, où étaient présents :
M. Jouhaud, président, M. Zennaro, conseiller rapporteur, M. Camille Bernard, conseiller, M. Charbonnier, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Zennaro, les observations de Me Foussard, avocat de Mme Z..., de Me Choucroy, avocat des consorts Y..., les conclusions de M. Charbonnier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre Mme Josèphe Y... épouse B... ; Attendu que Mme Geneviève De X..., épouse divorcée de Robert Y..., est décédée le 8 février 1976 en laissant pour lui succéder quatre enfants, Jeanne Y... épouse A..., Jacqueline Y... épouse Z..., Josèphe Y... épouse B... et Denis Y... ; qu'il dépendait de la succession divers objets mobiliers dont la défunte avait disposé par testament ; que, se fondant sur ce testament, M. Denis Y..., agissant tant en son nom personnel que pour son fils Gaëtan Y..., a assigné ses deux soeurs Jacqueline Z... et Josèphe B... en restitution de divers objets dont deux lampes à huile noires et une statue de la vierge dite "Vierge des De X..." que sa mère avait léguée tant à lui qu'à son fils Gaëtan, ainsi qu'en restitution de la correspondance qu'il avait échangée avec sa mère ; que les premiers juges ont fait droit à sa demande ; que, devant la cour d'appel, M. Gaëtan Y..., devenu majeur, a repris l'instance en son nom propre, tandis que Mmes Jacqueline Z... et Josèphe B..., appelantes, ont demandé reconventionnellement que leur frère rapporte à la succession de leur mère divers objets mobiliers qu'il avait emportés de chez elle peu
après son décès, et notamment une vitrine bibliothèque, un petit meuble encoignure et des pièces de vaisselle ; Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Jacqueline Y..., épouse Z..., reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir ordonné la restitution à MM. Denis et Gaëtan Y... des deux lampes à huile et d'une statue de Vierge, et la restitution à M. Denis Y... de la correspondance échangée entre lui et sa mère Geneviève De X..., en se fondant sur la possession de bonne foi de cette dernière, alors, selon le moyen, que la légitimité de la possession, que suppose l'article 2279 du Code civil implique qu'à la faveur d'un titre réel ou putatif le possesseur a pu croire qu'il se rendait régulièrement acquéreur du bien, et qu'en faisant état, pour reconnaître à Geneviève De X... le droit d'invoquer ce texte, d'un fait postérieur à l'acquisition des biens litigieux, émanant du seul possesseur et étranger aux conditions d'acquisition desdits biens, la cour d'appel s'est méprise sur la définition de la bonne foi exigée par l'article 2279 du Code civil et a violé ce texte ; Mais attendu que la possession de Mme De X... étant présumée de bonne foi par application de l'article 2279 alinéa 1er du Code civil, il appartenait à Mme Jacqueline Z... et à Mme Josèphe B... de détruire cette présomption en rapportant la preuve que leur mère détenait les objets litigieux à titre précaire ; que les juges du second degré, appréciant souverainement les éléments de preuve qui leur étaient soumis à cette fin, ont estimé qu'ils ne pouvaient faire échec à la règle édictée par le texte susvisé et que le fait pour Mme De X... d'avoir disposé dans son testament des objets litigieux établissait "qu'elle les considérait bien comme les siens" D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Le rejette ; Mais sur le second moyen :
Vu les articles 70 et 567 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu qu'en vertu du second de ces textes, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel et qu'aux termes du premier, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; Attendu que, pour déclarer irecevable la demande reconventionnelle formée en appel par Mmes Jacqueline Z... et Josèphe B... aux fins de
rapport à la succession de Mme De X... des objets soustraits par M. Denis Y..., dont une vitrine bibliothèque et un petit meuble encoignure, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que cette demande était présentée pour la première fois en cause d'appel ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cette demande se rattachait
aux prétentions originaires de M. Denis Y... par un lien suffisant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de Mmes Jacqueline Z... et Josèphe B..., l'arrêt rendu le 6 janvier 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ; Condamne les consorts Y..., envers Mme Z..., aux dépens liquidés à la somme de cent soixante quatre francs et quatre vingt dix centimes et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Caen, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt neuf novembre mil neuf cent quatre vingt neuf.