Attendu, selon les énonciations des juges du second degré que l'Organisation de l'énergie atomique de l'Iran (OEAI) a signé, le 17 novembre 1974, avec les sociétés de droit français Framatome, Alsthom, Spie Batignolles et Framateg (Groupement Framatome) une lettre d'intention puis conclu, le 18 septembre 1977, un contrat portant sur la construction en Iran de deux centrales nucléaires ; que ce contrat, régi par le droit iranien, a été résilié en 1979 pour défaut de paiement et que le groupement Framatome a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage prévue au contrat ; qu'en suite de la sentence du 25 juillet 1985, les sociétés du groupement Framatome ont été autorisées à saisir conservatoirement au préjudice de l'OEAI et de l'Etat iranien et entre les mains du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et de l'Etat français les sommes dues par ceux-ci à l'Etat iranien en remboursement d'un prêt consenti en 1975 dans le cadre d'un accord interétatique de coopération du 27 juin 1974 ; que l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 1987) a rejeté la demande de la République islamique d'Iran, à laquelle s'étaient jointes les sociétés Eurodif et Sofidif, bénéficiaires d'une mesure analogue, et tendant à la rétractation de l'ordonnance qui avait autorisé la saisie conservatoire ;.
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que la République islamique d'Iran reproche à la cour d'appel d'avoir autorisé une saisie sur des sommes lui appartenant pour répondre de créances qu'aurait eu le groupement Framatome sur l'OEAI aux motifs que bien que dotée d'une personnalité distincte, celle-ci est dénuée d'autonomie financière par rapport à l'Etat et se trouve placée sous la dépendance directe et complète du gouvernement iranien qui désigne ses organes de direction, alors, selon les deux premières branches du moyen, qu'elle s'est fondée sur l'article 14 des statuts de l'OEAI sans rechercher la portée de l'article 2 conférant à cette organisation une indépendance financière, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 2092 du Code civil et omettant de répondre aux conclusions qui invoquaient un mode de financement propre s'ajoutant aux subventions prévues à l'article 14 ; alors, ensuite, qu'en affirmant que l'OEAI était sous la dépendance du gouvernement par cela seul que celui-ci désignait les organes de direction, elle n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 3 du Code civil ; alors, enfin, qu'en se référant à la motivation de la sentence arbitrale du 25 juillet 1985 qui n'était pas opposable à l'Iran et sans indiquer en quoi consistait cette motivation, elle a insuffisamment motivé sa décision ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir, sans référence propre à la sentence arbitrale et hormis toute dénaturation, analysé les textes constitutifs de l'OEAI " dont aucun des documents produits par l'Etat iranien ne vient atténuer la portée ", a relevé souverainement que l'OEAI avait agi en l'espèce comme un simple instrument de l'Etat iranien avec lequel elle présentait une identité fonctionnelle ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu qu'il est ensuite fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de rétracter l'autorisation donnée au groupement Framatome de saisir conservatoirement la créance de l'Etat iranien sur le CEA en écartant l'immunité d'exécution de l'Etat étranger alors, selon le moyen, d'une part, que si cette immunité peut exceptionnellement être écartée lorsque le bien saisi a été affecté à une activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice, il ne saurait en être ainsi lorsque cette activité n'est pas celle même qui est à l'origine de la saisie et qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les principes régissant l'immunité des Etats étrangers ; alors, d'autre part, qu'en n'ayant pas constaté que le gouvernement iranien avait entendu contractuellement affecter le prêt à une activité économique ou commerciale relevant du droit privé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes principes ; alors, encore, qu'en décidant que le prêt constituait une convention soumise aux règles du commerce international et que l'on doit tenir pour établi que l'activité définie relève du droit privé par cela même que les litiges doivent être tranchés par voie d'arbitrage, la cour d'appel a violé les articles 631 à 633 du Code de commerce ; alors, enfin, qu'en ne recherchant pas si, quels que soient les liens économiques pouvant exister entre l'enrichissement de l'uranium et la création de centrales nucléaires, la construction de celles-ci était placée sous le même régime que le prêt et la production d'uranium et ne bénéficiait pas de l'immunité d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des principes régissant l'immunité des Etats étrangers ;
Mais attendu, sur les première et quatrième branches du moyen, que la cour d'appel ne s'est pas déterminée, en l'espèce, par la considération de principe critiquée ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'elle a estimé qu'existait entre la construction de centrales nucléaires et l'enrichissement de l'uranium une activité économique unique présentant un caractère commercial, après avoir relevé que toutes les opérations étaient unies par des liens étroits mis en évidence notamment par l'accord interétatique du 27 juin 1974, le mémorandum signé le 18 novembre 1974 entre le CEA et l'OEAI, la déclaration commune des ministres des Finances des deux Etats dans le mémorandum du 16 octobre 1977 et la demande formulée par l'OEAI devant les arbitres ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'affectation du bien saisi à l'activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice tient en échec l'immunité d'exécution alors même que cette affectation n'a pas été expressément stipulée ;
Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel a retenu que l'activité résultant du contrat de prêt du 23 février 1975 et du contrat signé le même jour par le CEA et l'OEAI relève du droit privé au vu d'autres éléments que la soumission des litiges à l'arbitrage et notamment de l'absence dans ces contrats de dispositions exorbitantes du droit commun ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé la saisie opérée sur les fonds à provenir de la garantie inconditionnelle et autonome de remboursement donnée par l'Etat français alors qu'en n'indiquant pas les éléments d'où résulterait que le gouvernement iranien ait entendu affecter ces fonds à une activité relevant du droit privé, l'arrêt serait privé de base légale au vu des principes relatifs à l'immunité d'exécution des Etats étrangers ;
Mais attendu que la cour d'appel, en se fondant sur le lien entre le prêt et la garantie de remboursement de ce dernier, duquel résultait, sans stipulation expresse, une affectation identique à celle du prêt, a légalement justifié sa décision en retenant que la garantie de remboursement du prêt était en rapport avec l'activité économique unique précédemment analysée ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi