AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurance "Commercial Union", ayant siège ... (4e),
en cassation d'un arrêt rendu le 21 septembre 1988 par la cour d'appel de Paris (7e chambre A), au profit :
1°/ de M. Jacques A..., demeurant ... (Drôme),
2°/ de la société Mutuelle des architectes français (MAF), ayant siège ... (16e),
3°/ de la société Pelnard-Considère, en liquidation des biens, agissant par M. Y..., syndic de la liquidation des biens, demeurant ... (5e),
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 octobre 1990, où étaient présents : M. Jouhaud, président, M. Mabilat, rapporteur, MM. X... Bernard, Massip, Viennois, Grégoire, Lesec, Zennaro, Kuhnmunch, Fouret, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Pinochet, Lemontey, Gélineau-Larrivet, conseillers, Mme Z..., MM. Charruault, Savatier, conseillers référendaires, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Mabilat, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la compagnie d'assurance "Commercial Union", de Me Boulloche, avocat de M. A... et de la société Mutuelle des architectes français, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, et sur le moyen soulevé d'office dans les conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, des désordres étant apparus dans une piscine-gymnase scolaire construite, pour la ville de Romans, sous la direction de M. A..., architecte, et après étude technique réalisée, en ce qui concerne le lot "chauffage", par la société Pelnard-Considère, le premier a été déclaré responsable de ces désordres par la juridiction administrative et condamné à réparation envers le maître de l'ouvrage ; que M. A... et son assureur, la Mutuelle des architectes français (MAF), ont poursuivi la garantie de cette condamnation à l'encontre de la société Pelnard-Considère, en liquidation des biens, et de l'assureur de sa responsabilité, la compagnie Commercial Union ; que l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 1988), après avoir déclaré la société Pelnard-Considère responsable du dommage, a condamné l'assureur au titre de la garantie d'assurance due par lui, à payer des sommes d'argent aux demandeurs ;
Attendu que la compagnie Commercial Union fait grief à cet arrêt d'avoir ainsi statué, en dépit de la clause de la police d'assurance souscrite par le bureau d'études techniques excluant de la garantie les réclamations formulées après la résiliation de la police, alors, selon le moyen, d'une part, qu'une telle clause étant opposable aux tiers lésés, la cour d'appel
a violé, par refus d'application, les articles L. 113-5 et L. 124-3 du Code des assurances ; alors, d'autre part et subsidiairement, que la garantie ne peut jouer
que pour les dommages survenus pendant la période d'assurance, de telle sorte qu'en se fondant sur le fait dommageable, sans indiquer à quelle date étaient apparus les désordres affectant la construction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; alors, ensuite, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le bureau d'études techniques assuré n'avait pas eu connaissance des désordres avant la souscription de la police d'assurance, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale ; et alors, enfin, que l'arrêt attaqué ne répond pas aux conclusions faisant valoir que la garantie comportait une franchise de 20 000 francs ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, répondant par là-même aux conclusions invoquées, a relevé que l'erreur de conception génératrice du dommage s'était située au cours de la période assurée ; qu'ensuite, il ne résulte pas des conclusions prises devant la cour d'appel par la compagnie d'assurances que celle-ci ait invoqué la franchise stipulée au contrat ; qu'enfin, le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration, a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; que la stipulation de la police selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime, en tout état de cause nécessaire, aux termes de l'article L. 124-1 du Code des assurances, à la mise en oeuvre de l'assurance de responsabilité, a été formulée au cours de la période de validité du contrat, aboutit à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance en raison d'un fait qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite comme dépourvu de cause et par conséquent contraire aux dispositions de l'article 1131 du Code civil, au profit du seul assureur, qui aurait alors perçu des primes sans contrepartie ; que cette stipulation doit, en conséquence, être réputée non écrite ;
Que l'arrêt se trouve donc légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la compagnie d'assurance Commercial Union, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix neuf décembre mil neuf cent quatre vingt dix.