AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie C..., épouse Y..., domiciliée 6, Carré de la Dû, Llupia, Thuir (Pyrénées-Orientales),
en cassation d'un arrêt rendu le 7 novembre 1989 par la cour d'appel de Nîmes (Chambres réunies), au profit :
1°) de Mme Hélène F..., veuve B..., domiciliée 6, Carré de la Dû à Llupia (Pyrénées-orientales),
2°) de Mme Andrée B..., épouse G... Ferrer, domiciliée ... (Pyrénées-Orientales),
3°) de M. Alain B..., demeurant ... du Collège à Limoux (Aude),
4°) de M. Philippe B..., demeurant 16, Carré de la Dû à Llupia (Pyrénées-Orientales),
5°) de Mme Jeanne X..., épouse E..., domiciliée à Llupia, Thuir (Pyrénées-Orientales),
6°) de Mme Jocelyne E..., épouse H..., domiciliée ... (Pyrénées-Orientales),
7°) de Mme Elisabeth E..., épouse A..., domiciliée ... (Pyrénées-Orientales),
8°) de M. Jean-Pierre E..., domicilié à Llupia (Pyrénées-Orientales),
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1991, où étaient présents : M. Senselme, président, Mme Giannotti, conseiller rapporteur, MM. Paulot, Chevreau, Cathala, Valdès, Douvreleur, Capoulade, Beauvois, Darbon, Aydalot, Mlle Fossereau, M. Chemin, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Marcelli, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Giannotti, conseiller, les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de Mme Y..., de Me Choucroy, avocat des consorts B... et des consorts E..., les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 novembre 1989), statuant sur renvoi après cassation, que Mme Y... a revendiqué la propriété d'une partie de la cour bordant son immeuble et desservant les parcelles appartenant aux consorts E... et aux consorts B... ; qu'elle a réclamé, subsidiairement, un droit de passage sur cette cour ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en revendication, alors, selon le moyen, 1°) que la cour d'appel ne peut écarter des débats que les pièces non communiquées régulièrement ; qu'en l'espèce, le rapport D... a
été régulièrement versé aux débats ; que ses mentions ont été reprises dans les conclusions devant la cour d'appel qui ont discuté de sa portée ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait l'écarter des débats, sans violer l'article 132 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que l'acte de 1871 n'a pas été allégué pour définir le statut de la cour commune ni une servitude à la charge des fonds
E... et Gendre, mais pour démontrer la propriété d'une bande de terrain jouxtant la maison Delpla, et comprise dans l'acte de donation-partage ; qu'en estimant que l'acte de 1871 ne concernait pas la cour, objet du litige, et n'établissait pas l'assiette d'une servitude, la cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que la cour d'appel ne pouvait écarter ce titre de 1871 au seul motif qu'il ne mentionnait aucun droit de
propriété sur une bande de terrain contiguë au lot attribué à Paul Z..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette bande de terrain n'était pas incluse dans l'acte de donation de 1871, qui attribuait deux parts égales à Thomas et Paul Z... ; qu'ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que le rapport officieux dressé par M. D... qui n'avait été versé à la procédure que la veille de l'audience, n'était pas contradictoire et n'avait pas été communiqué à la partie adverse, la cour d'appel a pu écarter des débats ce document ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a légalement justifié sa décision en retenant souverainement que l'acte de donation du 4 septembre 1871, qui créait deux lots égaux attribués l'un à Paul Z..., l'autre à Thomas Z..., ne concernait pas la cour litigieuse, ne mentionnait aucun droit de propriété sur une bande de terrain contiguë au lot attribué à Paul Z..., et ne portait ainsi aucune trace des prétentions de Mme Y... ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit janvier mil neuf cent quatre vingt douze.