LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Saïd Y.,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 novembre 1989 par la cour d'appel de Rennes (6e Chambre, 1re Section), au profit :
1°) de Mme Dahbia Y., née B.,
2°) de Mme Fatma Y., née M.
défenderesses à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 18 décembre 1991, où étaient présents :
M. Massip, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Lemontey, conseiller rapporteur, MM. Grégoire, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Gélineau-Larrivet, Forget, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Lemontey, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Saïd Y., de Me Blondel, avocat de Mme Dahbia Y., les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que M. Y. a épousé, le 19 décembre 1952, devant le Cadi de Dra El Nigan (Algérie) Mlle Bena-Oudia ; que celle-ci a demandé le divorce en 1986 en exposant que son mari lui a imposé pendant plus de vingt-cinq ans la présence d'une concubine au domicile conjugal établi en France en 1962 ; que M. Y. a prétendu avoir épousé Mlle M., le 15 janvier 1959, à Tiqzirt (Algérie) selon le droit musulman ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y. fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 15 novembre 1989) d'avoir prononcé le divorce à ses torts aux motifs que le second mariage n'était pas établi par les attestations produites alors, selon le moyen, d'une part, qu'en refusant de prendre en considération le maintien du statut personnel conservé par les époux et permettant la polygamie, la cour d'appel a violé les constitutions de 1946 et 1958 ainsi que les articles 212 et 242 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel a méconnu, en outre, le droit musulman de rite malekite autorisant le mariage par simple échange de consentements devant témoins ; alors, enfin, que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil en déclarant que M. Y.
avait renoncé à son statut aux motifs "qu'il boit du vin et mange du porc" ; Mais attendu que, dans ses écritures d'appel, M. Y. a affirmé que Mme M. n'était que sa concubine "qu'il n'avait pas eu le temps d'épouser en Algérie" en raison des événements d'alors et qu'elle n'avait "pu devenir épouse du fait de l'établissement en France et de l'impossibilité juridique de devenir femme légitime au regard de la loi coranique qui ne peut trouver application en France" ; D'où il suit que le moyen, tiré de l'existence et de la validité d'un second mariage est irrecevable comme étant contraire aux conclusions antérieures de M. Y. ; Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y. reproche encore à la cour d'appel, en premier lieu, de n'avoir pas répondu à ses conclusions faisant valoir que son épouse avait non seulement admis l'adultère mais l'avait favorisé pendant un temps exceptionnellement long et, en deuxième et troisième lieu, d'avoir privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du Code civil et d'avoir inversé la charge de la preuve en imputant au mari des violences physiques ; Mais attendu que la cour d'appel a également retenu, comme autres faits imputables au mari, que Mme Y. était exposée à des humiliations publiques, notamment par des différences de traitement avec Mme M. et que ces faits constituaient une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie conjugale ; qu'ainsi, par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;