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Joint les pourvois n°s 90-18.222, 90-18.634, et 90-18.814, qui sont connexes ;
Attendu que M. X... a acheté à M. Y... un tableau intitulé Le Verrou donné comme une oeuvre de l'école de Fragonard, pour le prix de 55 000 francs ; qu'après restauration et examen, il a établi que cette toile était du peintre Fragonard lui-même ; que, sur demande de M. Y..., la cour d'appel de Paris a, le 3 avril 1978, prononcé l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, et, constatant que le tableau revendu par M. X... au musée du Louvre pour le prix de 5 150 000 francs ne pouvait plus être restitué en nature à M. Y..., a dit que la restitution se ferait en valeur pour la somme de 5 095 000 francs correspondant à la différence entre les deux prix de cession ; que la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de M. X... en ce qu'il contestait l'annulation de la vente, mais a cassé partiellement l'arrêt déféré au motif qu'en ne recherchant pas si, à la suite de l'annulation de la vente, M. X... n'était pas en droit de demander qu'il lui soit tenu compte de son travail, sur le fondement d'un enrichissement sans cause de M. Y..., la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision ; que l'arrêt attaqué (Amiens, 30 avril 1990), statuant sur renvoi, a retenu le principe de l'enrichissement sans cause, fixé à 1 500 000 francs l'indemnité due à M. X... et donné acte aux sociétés Union industrielle de crédit, Banque du Louvre et Banco espagnole Banco Pastor de leur intervention en qualité de délégataires de la créance de M. Y... ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la Banque du Louvre :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir omis de répondre aux conclusions de la Banque du Louvre par lesquelles il était soutenu que M. X..., ayant agi dans un intérêt personnel et à ses risques et périls, ne pouvait prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 1371 du Code civil ;
Mais attendu qu'en énonçant que l'annulation de la vente faisait disparaître tout lien de droit entre le vendeur et l'acquéreur, la cour d'appel a implicitement relevé que le droit de propriété de M. X... avait rétroactivement disparu, ainsi que l'intérêt personnel qui l'avait incité à procéder, sur le tableau qu'il avait acquis, à des travaux de restauration ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le moyen unique de M. Y..., pris en sa première branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il a fait sans caractériser concrètement et en fait la mesure de l'enrichissement de M. Y... résultant de l'intervention de M. X... ;
Mais attendu que la cour d'appel énonce que l'enrichissement procuré à M. Y... résulte en l'espèce de l'établissement de l'authenticité du tableau ; qu'elle a par là même retenu qu'il est égal à la différence existant entre la valeur marchande initiale du tableau et celle qui est devenue la sienne à la suite des travaux de M. X..., révélée par le prix pour lequel le musée du Louvre l'avait acquis ; qu'elle a ainsi souverainement constaté l'existence d'un enrichissement de M. Y..., manifestement très supérieur à l'appauvrissement de M. X... ; que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen unique du pourvoi de M. X... : (sans intérêt) ;
Et sur la seconde branche du moyen du pourvoi de M. Y... et sur le second moyen du pourvoi de la Banque du Louvre, qui sont identiques :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir calculé l'indemnité revenant à M. X..., sans rechercher quelle était la stricte valeur du temps qu'il a perdu et des moyens matériels qu'il a dû investir pour établir l'authenticité de l'oeuvre ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a évalué l'appauvrissement de M. X... ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois