AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Yves Z...,
2°/ Mme Odette Z..., son épouse, née Bonnafous,
demeurant ensemble à Saisigne par Conques-sur-Orbeil (Aude),
en cassation d'un arrêt rendu le 21 novembre 1989 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), au profit :
1°/ de M. Amar A...,
2°/ de Mme Fatima X..., épouse A...,
domiciliés ensemble à Villanière par Conques-sur-Orbeil (Aude),
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 juin 1992, où étaient présents : M. Senselme, président, M. Aydalot, conseiller rapporteur, MM. Vaissette, Chevreau, Cathala, Deville, Mme Giannotti, Boscheron, conseillers, M. Chollet, Mme Cobert, M. Pronier, conseillers référendaires, M. Mourier, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Aydalot, les observations de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat des époux Z..., de Me Vuitton, avocat des époux A..., les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que les époux Z... font grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 novembre 1989) d'ordonner le rétablissement d'une servitude conventionnelle de passage au profit du fonds des époux A... et de condamner les époux Z... au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, "1°) qu'en qualifiant de "servitude de passage" le droit de passage personnel consenti lors du "partage du 5 février 1929" par Mme Z... née Antoinette Y... à son frère Alexandre, la cour d'appel a violé l'article 686 du Code civil ; 2°) qu'en déclarant recevable la demande incidente des époux A..., tendant au rétablissement d'une servitude de passage sur les parcelles AH 419 et A 74, et qui ne se rattachait pas par un lien suffisant à la prétention originaire contenue dans l'acte introductif d'instance, tendant au rétablissement d'une servitude de passage sur la parcelle AH 366, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que le propriétaire du fonds servant peut offrir au propriétaire du fonds dominant, qui ne peut la refuser, une solution aussi commode et moins onéreuse, dès lors que l'assignation primitive de l'assiette de la servitude de passage est devenue plus onéreuse ; qu'en l'espèce, il incombait à la cour d'appel de rechercher si "l'accès facilement aménageable", dont disposent les époux A... sur le chemin communal et qu'"une simple opération de mise à niveau du passage et un léger élargissement de l'entrée suffirait à rendre opérationnel et améliorer la sécurité ", ne constituait pas une solution moins onéreuse et au moins aussi commode que l'aménagement du prétendu chemin litigieux, sur lequel "une servitude n'a plus de raison d'être" au
vu des "engins modernes ayant modifié les conditions de 1929" ; que
cette recherche s'imposait d'autant plus que les époux Z... étaient en droit de réclamer le bénéfice de la solution la moins onéreuse, dès lors qu'elle était aussi commode ; qu'en s'abstenant d'y procéder, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 701 et 703 du Code civil ; 4°) qu'au surplus, le propriétaire du fonds dominant ne doit user de sa servitude que suivant son titre, sans y apporter de changement susceptible d'aggraver la condition du fonds servant ; qu'en l'espèce, l'aménagement du prétendu chemin litigieux devait être conforme aux stipulations de l'acte de donation-partage et, notamment, se borner à permettre le passage de "charrettes" ; que dès lors, en omettant de répondre aux conclusions des époux Z... faisant valoir que le tribunal n'avait pu ordonner cet aménagement "conformément au rapport d'expertise de M. B... et selon le tracé visé dans son rapport d'expertise", mais aurait dû, au contraire ", reprendre les dispositions de l'acte précité (de donation-partage) et dire que le rétablissement devrait être assuré (...) conformément à l'acte du 5 février 1929", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu, d'une part, que les époux Z... n'ayant pas soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que le droit de passage n'avait été accordé par l'acte de partage du 5 février 1929 qu'à la personne de M. Alexandre Y... et non au service du fonds, le moyen est, de ce chef, nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté l'existence d'un lien suffisant entre la demande initiale des époux A... et leur demande incidente, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise en retenant que l'accès, dont dispose la parcelle AH 76 sur la voie publique, est dangereux sinon impossible, a, répondant aux conclusions, souverainement déterminé l'étendue et le mode d'exercice du droit concédé par l'acte constitutif de servitude du 5 février 1929 ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Z..., envers les époux A..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente juin mil neuf cent quatre vingt douze.