LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sonemar, société à responsabilité limitée dont le siège social est ... (Essonne),
en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 1990 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile), au profit :
1°/ de M. Maurice Z..., demeurant à Siaugues-Sainte-Marie, Langeac (Haute-Loire),
2°/ de M. Henri Y..., pris en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée Transports Combaud, demeurant au lieudit Châteauroux, Tonnay (Charentes),
défendeurs à la cassation ; M. Z... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La société Sonemar, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; M. Z..., demandeur au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens également annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 21 octobre 1992, où étaient présents :
M. Grégoire, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. X... de Saint-Affrique, Lemontey, Gélineau-Larrivet, Forget, Mme Gié, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Sonemar, de Me Hennuyer, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 18 novembre 1985, la société Sonemar, exerçant le commerce des véhicules, a vendu à M. Z..., transporteur, un châssis de semi-remorque d'occasion ; que, le 13 juin 1986, M. Z... l'a revendu à la société Combaud, elle aussi transporteur ; que, suivant la carte grise, le poids à vide était de 7 300 kg, le poids total en charge de 32 000 kg ; qu'il a ensuite été établi que, antérieurement à la vente du 18 novembre 1985, la remorque avait fait l'objet de modifications non réglementaires qui en avaient augmenté le poids de 3 640 kg, diminuant d'autant la charge utile ; que, sur la demande principale de la société Combaud contre M. Z..., et sur la demande incidente de M. Z... contre la société Sonemar, un jugement du 6 octobre 1988 a prononcé, pour vice
caché, la résolution de chacune des deux ventes ; qu'il a condamné chaque vendeur à restituer le prix de vente à son acheteur et à lui payer des dommages-intérêts ; qu'il a ordonné l'exécution provisoire, du chef des condamnations obtenues par la société Combaud contre M. Z... ; que l'arrêt attaqué (Riom, 17 janvier 1990) a réduit le montant des dommages-intérêts alloués à la société Combaud à l'encontre de M. Z..., et a confirmé le jugement pour le surplus ; Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Sonemar fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution de la vente conclue entre elle et M. Z... alors, selon le moyen,
d'une part, qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, que la circulation de la remorque était interdite par les dispositions du Code de la route, la cour d'appel a violé les articles 4, 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Sonemar suivant lesquelles l'action en garantie du vice caché n'avait pas été intentée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil ; Mais attendu que l'arrêt constate que la société Sonemar a vendu à M. Z... un semi-remorque pouvant transporter une charge de cinquante deux tonnes, et qu'en raison de son excédant de poids de 3 600 kilos l'utilisation de ce véhicule était réduite d'autant ; que ces constatations caractérisaient un défaut de conformité de la chose vendue à la chose convenue, et que, par ce motif de pur droit, substitué aux motifs erronés de l'arrêt relatif à un prétendu vice caché, la résolution de la vente prononcée par la cour d'appel se trouve légalement justifiée, le moyen étant, dès lors, inopérant ; Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que la société Sonemar fait encore grief à l'arrêt de s'être abstenu de répondre à ses conclusions faisant valoir que M. Z... "qui a bénéficié de l'usage de la remorque pendant près d'un an à sa plus grande satisfaction" ne pouvait "se voir rembourser le prix du véhicule, ce qui reviendrait à lui en conférer l'usage gratuit pendant toute la durée de sa possession, et qui constituerait incontestablement un enrichissement sans cause" ; Mais attendu qu'en cas de résolution de la vente d'une chose, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant le contrat ; qu'il s'ensuit que le vendeur doit restituer le prix reçu sans être fondé à obtenir une indemnité correspondant au profit retiré par l'acheteur de l'utilisation de la chose ; que les conclusions invoquées étant, dès lors, inopérantes, la cour d'appel n'était pas tenue d'y répondre ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts à la société Combaud, sans répondre aux conclusions d'après lesquelles il ne pouvait être considéré comme un vendeur professionnel ; Mais attendu que l'arrêt énonce que M. Z..., transporteur, et qui a utilisé le véhicule pendant sept mois, n'a pu en ignorer les caractéristiques, et doit dès lors indemniser la société Combaud de son préjudice ; que la cour d'appel ayant ainsi répondu aux conclusions invoquées, le moyen n'est donc pas fondé ; Et sur les deuxième et troisième moyens du même pourvoi :
Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société Sonemar ne devait pas lui rembourser les dommages-intérêts payés par lui à la société Combaud, alors que la faute contractuelle de M. Z... serait la conséquence de celle de la société Sonemar, vendeur initial, de sorte que la cour d'appel aurait violé l'article 1641 du Code civil ; que M. Z... reproche enfin à l'arrêt d'avoir retenu que la société Sonemar ne lui devait pas réparation du préjudice financier relatif à l'exécution provisoire du jugement, limitée aux condamnations prononcées contre M. Z..., alors, d'une part, que l'exécution desdites condamnations n'était pas contestée ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas considérer, comme elle a fait, que ce fait n'était pas établi ; et alors, d'autre part, que les deux résolutions ayant le même fondement, les condamnations obtenues par la société Combaud contre M. Z... seraient la suite nécessaire de la vente initiale ; Mais attendu qu'après avoir constaté que M. Z... n'ignorait pas les caractéristiques du véhicule, la cour d'appel en a justement déduit qu'il ne pouvait se faire garantir par la société Sonemar, son vendeur, des conséquences de la faute qu'il avait commise en vendant l'engin en connaissance de cause ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié les dispositions attaquées ; que les moyens doivent donc être écartés ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;