Attendu que des désordres étant apparus en décembre 1984, après la réception des travaux, dans la maison d'habitation qu'il avait fait construire en 1982 par la société Maisons Ast, M. X... a assigné en indemnisation la compagnie Rhône Méditerranée auprès de laquelle l'entreprise, déclarée entre-temps en liquidation des biens, avait souscrit une police n° 503-410, dite " assurance de responsabilité décennale des constructeurs de maisons individuelles " ; que l'assureur a contesté sa garantie en faisant valoir que le contrat avait été résilié le 9 janvier 1984 pour défaut de paiement de primes échues et que la société Maisons Ast n'avait pas versé la prime subséquente au paiement de laquelle les conditions générales de la police subordonnaient le maintien de la garantie après résiliation du contrat ; qu'il a invoqué, en outre, la franchise prévue dans les conditions particulières ainsi que la compensation entre les primes dont il était créancier à l'égard de la société assurée, et l'indemnité qu'il pourrait être condamné à verser ; que l'arrêt attaqué l'a condamné à indemniser M. Y... sans déduction de la franchise et sans faire application de la compensation sollicitée ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la compagnie Rhône Méditerranée :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir refusé de prononcer la compensation entre l'indemnité due à M. X... et les primes échues avant le sinistre et non payées par la société Maisons Ast, au motif qu'une telle mesure serait contraire à la philosophie du système d'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction immobilière et au droit, pour la victime du dommage, d'exercer une action directe contre l'assureur, alors, selon le moyen, que l'assureur peut opposer au tiers qui invoque le bénéfice de la police les exceptions opposables au souscripteur originaire ;
Mais attendu que, selon l'article 1289 du Code civil, la compensation ne s'opère qu'entre deux personnes qui se trouvent débitrices l'une de l'autre ; que si, aux termes de l'article L. 112-6 du Code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou du tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire, cette disposition n'autorise pas l'assureur de responsabilité à déduire de l'indemnité due à la victime le montant des primes échues à la date du sinistre et non réglées ; qu'en décidant que M. X..., qui exerçait l'action directe contre l'assureur dont il n'était pas le débiteur, ne pouvait se voir opposer par celui-ci la créance de primes qu'il avait sur l'assuré, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :
Attendu que la compagnie Rhône Méditerranée fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'elle devait sa garantie pour la privation de jouissance, au motif que le non-paiement de la prime subséquente instituée par l'article A. 241-1, devenu l'article A. 243-1, du Code des assurances, avant sa modification par l'arrêté du 23 décembre 1982, ne peut faire obstacle à la protection instaurée en faveur du tiers lésé par l'article L. 241-1 du même Code et que cette obligation de garantie s'étend aux dommages immatériels, alors, selon le moyen, que le maintien de la garantie de l'assureur au profit du tiers lésé pour la durée décennale, même en cas de non-paiement de la prime subséquente après résiliation du contrat d'assurance, s'applique aux seuls dommages couverts par l'assurance de responsabilité obligatoire et que tel n'est pas le cas pour les dommages immatériels ;
Mais attendu que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance de responsabilité et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; que doit être réputée non écrite la clause du contrat d'assurance selon laquelle la garantie de tels dommages sera maintenue après la résiliation du contrat d'assurance moyennant, dans certains cas, le paiement d'une prime subséquente ; que la cour d'appel ayant retenu que les travaux litigieux avaient été effectués pendant la période de validité du contrat d'assurance, sa décision se trouve légalement justifiée ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... :
(sans intérêt) ;
REJETTE le premier moyen du pourvoi principal, le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche et le moyen unique du pourvoi incident ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour refuser d'appliquer la franchise à l'indemnité allouée pour privation de jouissance, l'arrêt attaqué énonce que le dernier alinéa du paragraphe III des conditions particulières stipule que cette franchise n'est " pas opposable au bénéficiaire des indemnités dommages à ouvrage " ;
Attendu, cependant, que la clause des conditions particulières relative à la franchise précisait que " la compagnie d'assurance ayant réglé des sinistres au titre de la police dommages à ouvrage n° 503-411, conservera son recours au-delà de la franchise contre la ou les entreprises responsables du sinistre.... La franchise n'étant pas opposable aux bénéficiaires des indemnités dommages à ouvrage, le souscripteur s'engage à restituer à la compagnie d'assurances les règlements inférieurs ou égaux à ladite franchise... " ; qu'en considérant que l'inopposabilité de la franchise au bénéficiaire des indemnités n'était pas limitée aux dommages matériels subis par l'ouvrage, seuls couverts par l'assurance obligatoire des travaux de bâtiment, à l'exclusion des dommages immatériels, la cour d'appel a dénaturé les termes de la clause précitée et violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a refusé d'appliquer la franchise à l'indemnité pour privation de jouissance, l'arrêt rendu le 25 avril 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.