Attendu qu'en 1972-1973, quatre médecins radiologues, MM. Y..., A..., X... et Etienne, auxquels s'est joint en 1981 le docteur Z..., ont décidé de se regrouper en un cabinet unique de radiologie, afin de limiter leurs frais ; qu'ils ont donc créé une société civile immobilière (SCI) en vue de l'acquisition d'un immeuble à Epinal, puis une société civile de moyens (SCM), locataire de cette SCI, et chargée d'assurer la mise en commun des équipements et du matériel de radiologie ; que, le 30 décembre 1976, les quatre médecins ont signé une convention de partage de leurs honoraires, ce partage devant s'effectuer par parts égales, après déduction des frais de fonctionnement du cabinet ; que, le 12 mai 1983, M. Y... est décédé accidentellement ; que, le 2 janvier 1986, ses héritiers ont assigné les quatre autres médecins en paiement des sommes de 1 350 000 francs au titre de la SCM, et de 2 000 000 francs au titre de la SCI ; que l'arrêt attaqué leur a alloué, avec intérêts légaux à compter du 12 mai 1983, la somme de 636 000 francs représentant l'indemnité due pour " présentation de clientèle ", mais les a déboutés de leur demande en remboursement d'une indemnité d'assurance ; que MM. A..., X..., Etienne et Z..., ainsi que la SCI et la SCM, ont relevé pourvoi principal tandis que les héritiers Y... formaient pourvoi incident ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :
Attendu que MM. A..., X..., Etienne et Z..., ainsi que la SCI et la SCM constituées par ces quatre praticiens, font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que les malades jouissent d'une liberté absolue de choix de leur médecin, en sorte que la clientèle de ce dernier est attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien ; qu'elle est, de ce fait, hors du commerce et ne peut faire l'objet d'une convention ; qu'il en est de même du droit de présentation de cette clientèle, qui n'est pas davantage cessible ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles 1128 et 1131 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, le droit de présentation stricto sensu implique une activité personnelle du médecin cédant, en contrepartie de l'indemnité versée par le successeur ; qu'en l'espèce, cette contrepartie n'a pas été fournie et ne pouvait l'être ; qu'en déclarant néanmoins les autres médecins tenus d'une indemnité de clientèle sans avoir bénéficié de la présentation effective par M. Y..., la cour d'appel a constaté l'existence d'une obligation sans cause en violation de l'article 1131 du Code civil et privé sa décision de base légale au regard des articles 1128, 1131 et 1184 du même Code, en ne caractérisant pas d'actes positifs de présentation permettant de justifier l'indemnité allouée ; alors, par ailleurs, qu'en décidant qu'il résultait de la convention du 30 décembre 1976, par laquelle les médecins sont convenus de mettre en commun leurs honoraires et de les partager à parts égales, un droit de présentation à la clientèle du cabinet de radiologie, l'arrêt attaqué a dénaturé les termes clairs et précis de cette convention, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en se déterminant par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que la convention du 30 décembre 1976 avait eu pour objet la mise en commun des honoraires et leur partage à parts égales, déduction faite des frais de fonctionnement du cabinet de radiologie, et qu'ayant retenu que les patients étaient adressés par les médecins généralistes à ce cabinet sans indication du nom de l'un ou l'autre des radiologues en faisant partie, la cour d'appel en a justement déduit, sans dénaturer la convention, l'existence d'une clientèle unique, de telle sorte que ledit cabinet était titulaire d'un droit de présentation, dont la valeur patrimoniale correspondait, pour chacun des cinq médecins, à son pourcentage d'honoraires ; qu'il n'y a pas eu, après le décès de M. Y..., cession d'une clientèle attachée à sa personne, une telle clientèle n'existant pas, mais transmission, à cause de mort, d'une quote-part de la valeur patrimoniale globale du droit de présentation attaché au cabinet de radiologie ;
Attendu, ensuite, qu'en raison de l'existence de ce droit de présentation global d'une clientèle unique attachée au cabinet, et non à la personne de chacun des cinq radiologues, la quote-part de la valeur patrimoniale globale de ce droit, revenant à chacun des quatre médecins ayant survécu à M. Y..., est passée de 20 % à 25 %, de telle sorte que l'indemnité due aux héritiers avait pour cause cet accroissement ;
Attendu, enfin, que le motif pris de l'éventualité d'une vente de leur cabinet par les cinq médecins, est surabondant ; que le moyen tiré d'un tel motif est inopérant ;
Qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre branches ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1154 du Code civil :
Attendu qu'en faisant partir du jour du décès du docteur Y... la capitalisation des intérêts de l'indemnité allouée au titre du droit de présentation de la clientèle, alors que le point de départ de cette capitalisation ne pouvait se situer qu'au jour de la demande en justice, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu les articles 1832 et suivants du Code civil ;
Attendu que, pour débouter les héritiers Y... de leur demande d'inscription, au compte courant ouvert au nom de leur auteur dans la SCM, du montant de l'indemnité d'assurance versée aux organismes prêteurs à la suite du décès de leur auteur, l'arrêt attaqué énonce que le paiement a été effectué au nom et pour le compte de la compagnie, et qu'il ne représente donc pas un apport ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat d'assurance stipulait qu'" en cas de décès, la compagnie se substitue à l'assuré pour régler immédiatement le capital restant dû ", de telle sorte que ladite compagnie agissait bien au nom et pour le compte de son assuré, M. Y..., et que le paiement de la part virile de cet associé dans une dette sociale représentait bien un apport dont il devait être tenu compte par l'inscription au crédit du compte courant de son auteur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, statuant sur les pourvois, tant principal qu'incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé au jour du décès de M. Y... le point de départ de la capitalisation des intérêts de l'indemnité allouée au titre du droit de présentation, et en ce qu'il a débouté ses héritiers de leur demande d'inscription au compte courant de M. Y... du montant de l'indemnité d'assurance versée aux organismes prêteurs à la suite du décès de ce dernier, l'arrêt rendu le 2 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée .