Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'en 1982, un incendie a détruit l'appartement acquis par M. et Mme X... au moyen d'un prêt consenti par la Banque pour la construction et l'équipement (CGIB) ; que cet appartement était assuré contre l'incendie auprès de la Société anonyme de défense et d'assurance (SADA) ; que la CGIB, qui avait fait inscrire son privilège sur l'immeuble, a été partiellement indemnisée de la perte de son gage par la compagnie d'assurances La Prévoyance mutuelle (MACL), dépendant des assurances du Groupe de Paris, auprès de laquelle cette banque avait souscrit un contrat d'assurance garantissant la perte de gage ; que la CGIB et le Groupe de Paris ont agi contre la SADA pour obtenir, la première, le règlement de la différence entre l'indemnité reçue du Groupe de Paris et le montant de celle qu'elle avait elle-même versée, la seconde, le remboursement de l'indemnité versée à son assurée, la CGIB, au titre de l'assurance perte de gage ; que l'arrêt attaqué a déclaré ces actions irrecevables ;
Attendu que le pourvoi fait grief à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevables les demandes en tant que fondées sur l'action directe prévue aux articles L. 124-1 et suivants du Code des assurances, aux motifs que le préjudice dont la CGIB demandait réparation n'entrait pas dans le cadre du contrat d'assurance liant M. et Mme X... à la SADA, et que la CGIB n'établissait pas avoir désintéressé M. et Mme X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel aurait soulevé d'office un moyen non invoqué par la SADA, en violation des articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile, et dénaturé l'objet de la demande et les conclusions de la CGIB qui ne prétendait pas avoir indemnisé les propriétaires de l'immeuble détruit ; que, de même, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 16 du nouveau Code de procédure civile, L. 121-3 et L. 124-1 du Code des assurances, en refusant de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, la CGIB étant fondée, en qualité de tiers lésé, à agir contre la SADA au titre de la police incendie, pour obtenir la réparation du préjudice résultant pour elle de la perte de son gage ;
Mais attendu, d'abord, que l'action directe de la victime suppose que soit établie la responsabilité de l'assuré ; que cette action n'est pas ouverte contre un assureur de dommages, tel que la SADA en l'espèce ; que, dès lors, la cour d'appel a justement décidé que les demandes, en tant que fondées sur cette action directe, étaient irrecevables, sans modifier les termes du débat, ni relever d'office aucun moyen, la SADA ayant invoqué cette irrecevabilité ;
Attendu, ensuite, que le grief fondé sur les articles L. 121-3 et L. 124-1 du Code des assurances est inopérant, aucun de ces textes n'étant applicable en la cause ;
Mais sur la quatrième branche :
Vu l'article L. 121-13, alinéa 1, du Code des assurances ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les indemnités dues par suite d'assurance, notamment contre l'incendie, sont attribuées, sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes fondées sur ce texte, la cour d'appel se borne à énoncer que la SADA n'est pas un tiers au sens de l'article L. 121-12 du Code des assurances ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le Groupe de Paris agissait en qualité de subrogé dans les droits de la CGIB, qui invoquait sa qualité de créancier privilégié, et que cet assureur, qui avait indemnisé la CGIB, disposait, conjointement avec la banque, à concurrence de leurs paiements respectifs, du droit à l'attribution de l'indemnité d'assurance due aux propriétaires de l'immeuble en vertu de l'assurance incendie souscrite auprès de la SADA, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.