Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 octobre 1991), que, suivant un acte notarié du 21 mars 1978, MM. Henri et Louis Geraud ont vendu un immeuble à Mmes Lecuyer, Roux et X..., qui, par le même acte, ont procédé à un partage de l'immeuble, à l'issue duquel Mme X... est devenue propriétaire de l'appartement occupé par les époux Peyrache en vertu d'un bail conclu en 1976 ; que, le 20 octobre 1987, Mme X... a donné congé aux époux Peyrache, puis les a assignés pour faire déclarer valable ce congé ; que les époux Peyrache ont reconventionnellement demandé à être substitués aux droits de Mme X... et ont appelé en cause M. Louis Geraud ; que Mme X... a assigné Me Delorme, notaire, rédacteur de l'acte, en intervention forcée ;
Attendu que les époux Peyrache font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, d'une part, que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, qui impose préalablement à toute vente d'un appartement consécutive à la division d'un immeuble de faire connaître au locataire les conditions de la vente en vue de l'exercice de son droit de préemption, n'implique pas que l'immeuble ait été placé sous le régime de la copropriété antérieurement à la vente donnant ouverture au droit de préemption ; qu'il suffit qu'au moment de la vente l'immeuble se divise en appartements correspondant à des lots de copropriété ; qu'il en est ainsi lorsque le propriétaire d'un immeuble vend divisément à des acquéreurs distincts des lots de copropriété, peu important que le partage de l'immeuble ait lieu en même temps que sa vente, laquelle ne saurait constituer un écran entre le vendeur et les acquéreurs divis des appartements qui ont traité directement avec lui ; qu'en procédant, dans un acte unique, à la vente en lots d'appartements attribués à des acquéreurs distincts moyennant des prix déterminés pour chacun d'eux, les consorts Geraud se sont placés sous l'empire de la loi et devaient procéder à la notification prévue par l'article 10 ; qu'à défaut, la cour d'appel ne pouvait donc refuser de faire droit à la demande de substitution des époux Peyrache prévue par le même texte sans violer ses dispositions et, d'autre part, que la vente de l'immeuble et sa division en appartements, opérations qui ont été réalisées concomitamment et constatées le même jour dans un acte unique et indissociable, ne représentaient qu'un montage destiné à masquer une pluralité d'acquisitions distinctes sous les apparences d'une vente d'immeuble en bloc ; que cette dissimulation réalisée par la création d'une indivision fictive immédiatement partagée entre les coacquéreurs, tendait à faire obstacle à l'exercice par les locataires de leur droit de préemption légal ; que la volonté des acquéreurs de priver les locataires de leur droit
était notamment caractérisée par l'attitude de Mme X... qui, avant la vente, avait sollicité du juge des tutelles une autorisation d'acquérir pour son fils mineur, non une quote-part indivise de l'immeuble, mais deux appartements individuellement désignés, ainsi que les époux Peyrache le soulignaient dans leurs conclusions, d'où il résultait que la division de l'immeuble était déjà virtuellement réalisée avant la vente et que les acquéreurs n'avaient jamais envisagé l'acquisition d'autre chose que d'un appartement ; qu'en refusant de caractériser la fraude manifeste au droit de préemption des locataires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu, par motifs adoptés, que l'exercice du droit de préemption institué par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 suppose que l'immeuble soit divisé par appartements antérieurement à la vente, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant souverainement que toutes les indications sur la désignation de l'objet vendu par les consorts Geraud, le prix et les acquéreurs, correspondaient à une vente en bloc et que les époux Peyrache ne rapportaient pas la preuve d'une division préalable de l'immeuble ou d'une fraude ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.