Attendu que, suivant acte notarié du 3 septembre 1885, Antoine X... de l'Estoille et son épouse ont fait donation à la commune d'Arcon d'une maison avec jardin et d'une parcelle de terre à charge pour elle de les affecter à une école d'enseignement primaire ; que les immeubles donnés furent utilisés à usage d'école jusqu'en 1977, date à laquelle une décision administrative en ordonna la fermeture ; que M. Dominique de Y..., aux droits des donateurs, se prévalant de la désaffectation des biens donnés et de leur mauvais entretien, a assigné la commune en révocation de la donation et en dommages-intérêts ; que la commune a formé reconventionnellement une demande en révision des charges ; que l'arrêt attaqué, rejetant la demande de la commune, a prononcé la révocation de la donation et débouté M. X... de l'Estoille de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches du pourvoi principal :
Attendu que la commune d'Arcon fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en révision de la charge de la donation, alors, selon le moyen, que, d'une part, le gratifié doit justifier de l'exécution des charges assortissant la donation entre la date de cette donation et celle où l'exécution des charges est devenue extrêmement difficile et qu'il résulte des constatations des juges du fond que la commune a exécuté la charge entre 1885, date de la donation, et 1977, date à laquelle l'exécution de la charge est devenue impossible ; qu'en énonçant que la commune ne pouvait demander la révision de la charge au motif qu'elle ne justifiait pas de ses diligences pour l'exécuter, la cour d'appel a violé l'article 900-5 du Code civil, et alors, d'autre part, que l'action en révision des charges, lorsque leur exécution devient extrêmement difficile, est à plus forte raison ouverte lorsque cette exécution est impossible voire illicite ; que, par suite, en rejetant la demande au motif que l'exécution de la charge était devenue impossible, la cour d'appel a violé l'article 900-2 du Code civil ; alors, en outre, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la donataire a présenté trois solutions différentes pour respecter la volonté du donateur, de sorte qu'en énonçant qu'aucun projet n'avait été présenté pour l'affectation du bien donné, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé l'article 900-4 du Code civil et alors, enfin, qu'il appartient au juge de fixer, au besoin d'office, les nouvelles charges ; qu'en refusant de prononcer une telle mesure au motif que la commune ne présentait aucun projet précis, la cour d'appel a, une nouvelle fois violé ce texte ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que la commune gratifiée a laissé le local vacant depuis la fermeture de l'école en 1977 et qu'elle ne justifie d'aucune diligence pour exécuter ses obligations entre cette date et l'assignation en révocation de la donation du 8 avril 1987 ; que la cour d'appel en a justement déduit que la condition exigée par l'article 900-5, alinéa 2, du Code civil pour pouvoir prétendre à la révision des charges n'était pas remplie ; qu'elle a, par ces seuls motifs et abstraction faite de celui justement critiqué par la deuxième branche du moyen, selon lequel l'impossibilité d'exécution de la charge n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article 900-2 du Code civil, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 954 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de l'Estoille de sa demande de dommages-intérêts en raison du défaut d'entretien, par la commune, des biens donnés, l'arrêt retient qu'il ne saurait être reproché à celle-ci de ne pas avoir entretenu un bien dont elle ne pouvait plus user depuis 1977 et sur lesquels ses droits étaient en discussion ;
Qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de la révocation, la donataire, indépendamment de toute faute de sa part, était tenue de restituer le bien donné dans l'état où il se trouvait au jour de la donation et, éventuellement, de rembourser au disposant ou à son successeur universel les dépenses que nécessitait la remise du bien en cet état, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il déboute M. de Y... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.