AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale de crédit agricole de la Drôme, dont le siège est à Valence (Drôme), ..., BP 1025, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 29 mai 1991 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des urgences), au profit :
1 / de M. Bruno X...,
2 / de Mme Reyne X..., demeurant ensemble à Alixan (Drôme), 3, lotissement Les Soubredioux, défendeurs à la cassation ;
EN PRESENCE :
1 / du Crédit mutuel, dont le siège est à Valence (Drôme), ..., pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
2 / de la société Cetelem, dont le siège est ..., prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
3 / du COFICA, dont le siège est à Valence (Drôme), ..., pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
4 / du Crédit universel, dont le siège est ..., pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
5 / du Crédit lyonnais, dont le siège est à Valence (Drôme), ..., BP 1016, pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
6 / du centre des Impôts, dont le siège est à Romans (Drôme), quai Sainte-Claire, pris en la personne de M. le receveur des Impôts, domicilié en cette qualité audit siège ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 mars 1994, où étaient présents :
M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Catry, conseiller référendaire rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Catry, les observations de Me Ryziger, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole de la Drôme, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat du Crédit lyonnais, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la demande de mise hors de cause formée par le Crédit lyonnais :
Attendu que les mesures prises pour assurer le redressement d'un débiteur dont la procédure collective de redressement judiciaire civil a été ouverte, sont indivisibles, de sorte que la solution qui sera réservée au pourvoi formé par l'un des créanciers n'est pas indifférente aux autres créanciers, lesquels ne peuvent pas, dès lors, être mis hors de cause ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que les époux X... ont formé une demande de redressement judiciaire civil ; que le tribunal d'instance, accueillant leur demande, a ouvert la procédure puis, par jugement du 22 novembre 1990, a arrêté des mesures de redressement en ordonnant notamment le rééchelonnement du paiement de l'emprunt souscrit auprès de la Caisse régionale du crédit agricole de la Drôme (CRCAM de la Drôme) en 96 mensualités ; que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ;
Attendu que la CRCAM de la Drôme reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1989 qu'est déchue du bénéfice du redressement judiciaire, toute personne qui aura sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts en vue d'obtenir le bénéfice de la procédure, qu'une telle déchéance suppose que soit préalablement reconnu le droit du débiteur au redressement judiciaire, de sorte qu'en retenant qu'il n'est plus fondé à contester la bonne foi du débiteur, faute de recours exercé contre la décision d'ouverture de la procédure, qui supposait reconnue la bonne foi de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 16 de la loi ;
Mais attendu que la CRCAM de la Drôme s'est contentée en appel d'invoquer la mauvaise foi des débiteurs au soutien de l'exception d'irrecevabilité qu'elle soulevait en application de l'article 1er de la loi ; qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions d'appel qu'elle ait invoqué devant les juges du fond la déchéance du débiteur fondée sur l'article 16 de la loi ; que le moyen est donc nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Mais sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article L. 332-5 du Code de la consommation (article 12 de la loi 89-1010 du 31 décembre 1989) ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce que le premier juge n'a fait qu'utiliser les possibilités légales qui lui étaient offertes en cumulant le délai d'échelonnement de la dette prévu par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1989 avec celui prévu à l'article 1244 du Code civil ;
Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions spéciales applicables en matière de redressement judiciaire civil dérogent au droit commun édicté par l'article 1244 du Code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne les défendeurs, envers la Caisse régionale de crédit agricole de la Drôme, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Grenoble, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatre mai mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.