AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Action immobilière, dont le siège est domaine résidentiel du Lac bleu à Cabries (Bouches-du-Rhône), en cassation d'un arrêt rendu le 30 octobre 1991 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre, section B), au profit :
1 / du département des Bouches-du-Rhône, représenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, domicilié en cette qualité en l'hôtel du département à Marseille (Bouches-du-Rhône),
2 / de la Direction départementale de l'équipement (DDE) des Bouches-du-Rhône, prise en la personne du directeur de son arrondissement d'Aix-en-Provence, domicilié en cette qualité ... (Bouches-du-Rhône), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mai 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Cobert, conseiller référendaire rapporteur, MM. Douvreleur, Capoulade, Deville, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Cobert, les observations de Me Brouchot, avocat de la société Action immobilière, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat du département des Bouches-du-Rhône, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Action immobilière fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 octobre 1991) de la débouter de sa demande tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser des dommages-intérêts pour emprise irrégulière d'une parcelle lui appartenant, alors, selon le moyen, "1 ) que la cession gratuite, dans le cadre d'une autorisation de lotir, ne peut être exigée que pour l'aménagement d'une voie publique ;
qu'en ne recherchant pas si la modification de l'autorisation de lotir, par arrêté du 3 janvier 1979, comportait l'aménagement d'une voie publique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article R. 332-15 du Code de l'urbanisme ;
2 ) qu'il appartenait au département, qui prétendait que la cession du terrain litigieux avait été réalisée à titre gratuit, d'apporter la preuve du caractère gratuit de cette cession par la production d'un acte écrit ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil et méconnu l'article 1341 du même code ; 3 ) que les courriers échangés entre les parties, en particulier les lettres adressées par le département à la société Action immobilière en date des 15 avril 1982, 16 mars 1983 et 28 novembre 1985, avaient pour unique objet la négociation du prix d'acquisition de la parcelle
litigieuse ; qu'il résultait clairement de ces documents que l'acquisition était à titre onéreux ; qu'ainsi, la cour d'appel, en affirmant le contraire, a dénaturé ces écrits clairs et précis, en violation de l'article 1134 du Code civil" ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve fournis par les parties, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de se fonder sur un acte écrit, a légalement justifié sa décision en retenant que la cession au département des Bouches-du-Rhône de la parcelle litigieuse, en vue de l'aménagement du chemin départemental 9, l'avait été à titre gratuit ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Action immobilière à payer au département des bouches-du-Rhône la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Action immobilière, envers le département des Bouches-du-Rhône et la Direction départementale de l'Equipement (DDE) des Bouches-du-Rhône, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.