AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Yann X..., demeurant ... (11ème), en cassation d'un arrêt rendu le 10 février 1992 par la cour d'appel de Paris (23ème chambre, section A), au profit :
1 / de La Régie Immobilière de la Ville de Paris "RIVP", dont le siège est ... (7ème), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,
2 / de la société Bateg, devenue société SNC Bateg, dont le siège est ... (Yvelines), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,
3 / des Assurances Générales de France "AGF", société anonyme, dont le siège est ... (2ème), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,
4 / de la société JAF, dont le siège est ... à Jouy-en-Josas (Yvelines), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,
5 / de la société Hallu, société anonyme, dont le siège social est ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,
6 / de la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics "SMABTP", dont le siège est à Paris (15ème), ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège, défenderesses à la cassation ;
La société JAF a formé, par un mémoire déposé au greffe le 23 septembre 1992, un pourvoi incident contre le même arrêt.
M. X..., demandeur au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt :
La demanderesse au pourvoi incident, invoque à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 12 juillet 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mlle Fossereau, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Capoulade, Deville, Chemin, Fromont, Villien, conseillers, Mme Cobert, M. Chapron, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mlle le conseiller Fossereau, les observations de Me Boulloche, avocat de M. X..., de Me Choucroy, avocat de la Régie Immobilière de la Ville de Paris, de Me Cossa, avocat de la société SNC Bateg, de Me Luc-Thaler, avocat de la société JAF, de Me Odent, avocat de la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 1992), que la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), garantie en sa qualité de promoteur pour les dommages aux existants et avoisinants par la compagnie Les Assurances générales de France (AGF), a, en 1984, fait construire un bâtiment de huit étages à usage d'habitation, avec le concours de M. X..., architecte, de la société Bateg, devenue société SNC Bateg, entrepreneur, qui a sous-traité certains travaux à la société JAF, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que, se plaignant des désordres causés par le nouveau bâtiment dans le fonctionnement de sa chaudière à gaz, la société Hallu, propriétaire d'un bâtiment contigu d'un étage, dans lequel elle exploite une laverie industrielle, a, le 3 septembre 1987, après exécution de travaux de réfection confiés par la RIVP à la société SNC Bateg et sous-traités par celle-ci à la société JAF, assigné en réparation la RIVP, qui a appelé en garantie les AGF, l'architecte et l'entrepreneur, lequel a assigné aux mêmes fins la société JAF et la SMABTP ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir la RIVP des condamnations prononcées contre elle au profit de la société Hallu, de mettre hors de cause la société SNC Bateg et de laisser la charge finale de la réparation à concurrence de moitié pour l'architecte, alors, selon le moyen, "que la RIVP n'ayant pas, dans ses conclusions, demandé la résolution du contrat de l'architecte avec paiement de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué, qui a basé la condamnation de l'architecte à garantir la RIVP sur le motif tiré que celle-ci était fondée, à défaut de forcer ses cocontractants à l'exécution de la convention, à demander en justice la résolution de celle-ci avec paiement de dommages-intérêts, a, par ce motif contraire à ceux des premiers juges, dont la décision est infirmée, méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu que la RIVP ayant demandé la garantie de l'architecte du chef des condamnations prononcées contre elle au profit de la société Hallu, la cour d'appel, qui, après avoir retenu que l'architecte n'avait pas satisfait à l'obligation de concevoir un ouvrage conforme aux règles de l'art et à la réglementation, a accueilli cette demande, sans prononcer la résolution du contrat avec dommages-intérêts, n'a pas modifié l'objet du litige ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis, ci-après annexés :
Attendu qu'ayant, répondant aux conclusions, souverainement retenu, sans dénaturation, que les constatations de l'expert ne permettaient de qualifier aucune faute imputable à la société SNC Bateg et constaté que cette société, à laquelle n'incombait pas la conception de l'ouvrage, avait, dès l'origine, sous-traité l'exécution des travaux de rehaussement du conduit à la société JAF et que l'architecte, qui était intervenu lors de ces travaux, suivant un projet comportant plusieurs coudes à angle droit et une partie horizontale contrariant le tirage naturel et rendant l'installation impropre à son usage, avait cessé de remplir ses engagements envers le maître de l'ouvrage, laissant ainsi s'aggraver le retard subi par la société Hallu dans l'exécution des travaux, la cour d'appel a pu en déduire, sans se contredire, que l'entrepreneur principal devait être entièrement garanti par son sous-traitant et que les fautes commises par ce dernier ne pouvaient fonder une responsabilité de l'entrepreneur principal envers l'architecte qui devait, dans ses rapports avec le sous-traitant, supporter la charge des condamnations prononcées dans une proportion souverainement appréciée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que tenue d'évaluer le préjudice à la date où elle statue et d'allouer des indemnités permettant de faire exécuter ou de rembourser les travaux nécessaires pour remédier aux désordres, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a exactement décidé que les sommes allouées comportaient le montant de la taxe sur la valeur ajoutée que la RIVP devrait payer aux entreprises ;
Mais sur le second moyen du pourvoi incident :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour écarter la garantie de la SMABTP quant à l'indemnisation du chômage technique du personnel de la société Hallu consécutif aux désordres, l'arrêt retient que la police exclut la garantie des dommages matériels subis par les travaux et ouvrages exécutés par le sociétaire ainsi que les frais engagés pour leur réparation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat maintenait dans le champ d'application de la garantie les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré en raison des dommages immatériels causés aux tiers dans l'exercice de ses activités, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la garantie de la SMABTP quant à l'indemnité allouée à la société Hallu en réparation du chômage technique, l'arrêt rendu le 10 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens du pourvoi principal, la SMABTP aux dépens du pourvoi incident et, ensemble, et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.