AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Carrière immobilier, société anonyme dont le siège social est ... V à Nancy (Meurthe-et-Moselle), en cassation d'un arrêt rendu le 30 novembre 1992 par la cour d'appel de Nancy, au profit de la société CBE, société à responsabilité limitée, entreprise de nettoyage, dont le siège social est ... à Laneuveville-devant-Nancy (Meurthe-et-Moselle), défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 novembre 1994, où étaient présents : M. Michaud, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Chevreau, conseiller rapporteur, MM. Dorly, Colcombet, Mme Solange Gautier, conseillers, M. Bonnet, conseiller référendaire, M. Tatu, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Chevreau, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Carrière immobilier, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société CBE, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 30 novembre 1992), que la société de nettoyage industriel CBE, travaillant pour plusieurs immeubles en copropriété dont la société Carrière immobilier est le syndic, a assigné cette dernière, en octobre 1988, pour avoir paiement de ses prestations ; qu'en outre, elle a demandé des dommages-intérêts pour le retard apporté au règlement de ses factures ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette dernière demande, alors que, en se bornant à faire état du "fait objectif" du paiement trois semaines après l'assignation, qui était mal dirigée contre le syndic, sans procéder à aucune constatation pertinente de nature à établir que le syndic était en possession des fonds avant délivrance de l'assignation, la cour d'appel aurait présumé la faute du syndic, violant l'article 1315 du Code civil, et ne l'aurait pas légalement caractérisée, violant ainsi l'article 1382 du Code civil ; alors que, d'autre part, en ne justifiant pas en quoi l'exercice régulier et légitime d'une procédure de saisie-arrêt par la propriétaire mandante aurait pu caractériser l'existence d'une faute à la charge de la mandataire tiers saisi, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors qu'enfin, en ne justifiant pas en quoi la société mandataire tiers saisi, qui n'avait pas la charge de diligenter la procédure de cantonnement, aurait pu se voir imputer de prétendus retards dans l'exécution du cantonnement, la cour d'appel n'aurait pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Carrière immobilier a payé les 4/5e de la somme réclamée dans les trois semaines de l'assignation, ce qui démontre à défaut de justifier de la situation de trésorerie de chaque syndicat qu'elle était en possession des fonds nécessaires, qu'en tant que gérante des locaux loués par Mme X... à la société CBE, elle a usé d'une manière abusive, en avril 1989, d'une procécure de saisie-arrêt entre ses mains sur les sommes dues à la société CBE en réponse manifeste aux assignations délivrées par cette société ; que cette procédure a eu pour effet de bloquer la totalité des sommes dont elle était débiteur à l'égard de la société ; qu'enfin, elle a retardé les effets d'une procédure de cantonnement de cette saisie ;
Que, de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu déduire que les retards apportés par la société Carrière immobilier au paiement des factures de la société CBE étaient fautifs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carrière immobilier à une amende civile de dix mille francs (10 000) envers le Trésor public ; la condamne, envers la société CBE, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente novembre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.