Attendu que par acte passé le 10 mars 1975 en l'office de la société civile professionnelle de notaires X...-Y..., les époux X... ont donné à M. Y... le mandat de vendre, aux prix et conditions qu'il déterminerait, des parcelles de terre portant les références cadastrales B 120, 121 et 122 ; que, par deux actes authentiques établis le 8 août 1975 par le même notaire, M. Y..., qui s'était substitué en qualité de signataire pour les vendeurs un clerc de l'office, a vendu la parcelle B 120, au prix de 125 000 francs à la société civile immobilière " Sulane di Marana " et les parcelles B 121 et B 122 à la société civile immobilière " Stagnu di Buguglia " au prix de 8 200 francs ; que ces deux sociétés civiles avaient été constituées le même jour par M. Y..., qui en détenait la quasi-totalité des parts, et Mlle Marie-Paule Y... ; que M. Y... a signé, en sa qualité de seul gérant de ces sociétés civiles, les deux actes authentiques, qui précisaient que les époux X... étaient propriétaires des parcelles vendues ; que, par un troisième acte authentique passé en 1979 en l'office d'un autre notaire, la société civile immobilière " Sulana di Marana " a vendu à l'association Vacances P et T la parcelle B 120 au prix de 750 000 francs ; que, sur l'action engagée par M. X..., à laquelle s'est associée Mme X..., intervenue à la procédure, la cour d'appel, retenant que M. Y... avait acheté les biens qu'il était chargé de vendre, a, d'une part, annulé, par application de l'article 1596 du Code civil, les ventes faites le 8 août 1975, d'autre part, ordonné l'éviction de l'association de la parcelle B 120 mais après qu'elle aurait été indemnisée des constructions qu'elle y avait édifiées de bonne foi, enfin, mis hors de cause la SCP X...-Y... dont la responsabilité était recherchée par M. Y..., les deux sociétés civiles immobilières et les époux X... ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... et les sociétés civiles immobilières n'ont pas contesté que, conformément aux mentions figurant tant dans le mandat de vendre que dans les actes authentiques de vente, les époux X... étaient propriétaires des parcelles vendues ; qu'ils sont, dès lors, irrecevables à invoquer un grief qui, contrairement à leur position en cause d'appel, reproche à la cour d'appel d'avoir dit, en réponse à un moyen qui n'était invoqué que par l'association Vacances P et T, que les époux X... étaient effectivement propriétaires de ces parcelles ; que leur moyen ne peut donc être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour mettre hors de cause la SCP de notaires X...-Y..., la cour d'appel a énoncé que M. Y... et les époux X... étaient en relations d'affaires depuis plusieurs années, que son devoir de conseil s'en était trouvé notablement réduit et que M. Y..., auteur de l'opération de montage immobilier, ne pouvait se prévaloir de son caractère illégal pour obtenir la condamnation du notaire à qui il ne saurait être fait grief de n'avoir pas déconseillé cette opération ;
Attendu, cependant, qu'en sa qualité d'officier public le notaire est tenu de conseiller les parties et d'assurer l'efficacité des actes passés ; qu'à ce titre, il doit refuser de donner l'authenticité à une convention dont il connaît l'illicéité ; que la circonstance qu'une partie ait eu l'initiative de l'illégalité commise ne peut à elle seule exonérer le notaire de sa faute et faire obstacle à la recherche de sa responsabilité ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le notaire avait, en toute connaissance de cause, donné l'authenticité à des actes passés en violation de l'article 1596 du Code civil, la cour d'appel a violé l'article 1382 du même Code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société civile professionnelle de notaires X...-Y..., l'arrêt rendu le 28 septembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.