AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Henri X...,
2 / Mme Henri X..., demeurant ensemble à Coubert (Seine-et-Marne), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 10 mars 1992 par la cour d'appel de Paris (25e chambre A), au profit de M. Raoul Y..., demeurant à Soignolles-en-Brie (Seine-et-Marne), rue de la Gare, défendeur à la cassation ;
M. Y... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 1994, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Lemontey, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Ancel, les observations de Me Cossa, avocat des époux X..., de Me Capron, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à M. Y..., à titre de remboursement de prêts avec intérêts conventionnels les sommes de 50 000, 30 000, 70 000 et 130 000 francs, alors que, selon le premier moyen, d'une part le prêt de 70 000 francs a été consenti à leur fils Patrick, et qu'il n'est pas précisé s'il est majeur, de sorte que la cour d'appel a, soit condamné au remboursement un autre que le débiteur, soit privé sa décision de base légale au regard des articles 338, 389 et 1902 du Code civil, alors que, d'autre part, la cour d'appel aurait à tort fondé sa décision sur les "écritures manuscrites" de Mme X..., dont il était admis qu'elle était chargée par M. Y... de tenir ses comptes, de sorte que l'arrêt attaqué aurait méconnu les règles du mandat et de l'aveu judiciaire ; que, selon le second moyen, la cour d'appel n'aurait pas respecté les limites du débat et aurait statué ultra petita en condamnant les époux X... au paiement au taux de 8 % des intérêts du prêt de 50 000 francs, dont M. Y... avait lui-même reconnu, dans ses conclusions, qu'il ne comportait pas de stipulation d'intérêts ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a souverainement retenu que M. et Mme X... étaient les seuls bénéficiaires du prêt de 70 000 francs, bien que le chèque ait été libellé au nom de leur fils, et qu'elle a, sans se référer aux notions de mandat ou d'aveu extra-judiciaire, souverainement estimé que la comptabilité établie par Mme X... établissait, avec d'autres éléments, la preuve des prêts consentis par M. Y... ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a pas condamné M. et Mme X... au paiement des intérêts d'un prêt de 50 000 francs reconnu par M. Y... comme ne comportant pas d'intérêts, mais a relevé l'existence d'un prêt de 50 000 francs du 1er octobre 1983, stipulé avec intérêts au taux de 8 %, de même qu'un autre, de 30 000 francs, du 11 octobre 1983, ayant fait l'objet, de la part de M. Y..., d'une demande globale de remboursement qu'il chiffrait à 90 000 francs sous l'intitulé "prêts octobre 1983" ; que le moyen manque donc en fait ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Y..., pris en sa seconde branche :
Vu l'article 566 du nouveau Code de procdure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande, formulée pour la première fois devant elle par M. Y..., en paiement d'une somme de 121 885 francs représentant les sommes dont M. et Mme X... avaient indûment exigé la restitution sur le montant des intérêts, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que cette demande ne procède pas de la demande principale ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette prétention n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes concernant le remboursement des prêts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal de M. et Mme X... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. Y... en paiement de la somme de 121 885 francs, l'arrêt rendu le 10 mars 1992, entre les parties, par la courd'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne les époux X..., envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-quinze.