AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Jacques Y..., demeurant ...,
2 / La société Radio Magick, société à responsabilité limitée dont le siège est ..., représentée par son gérant actuellement en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 29 avril 1991 par la cour d'appel de Basse-Terre, au profit de Mme Francine X..., demeurant ... aux Abymes (Guadeloupe), défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 février 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Toitot, les observations de Me Capron, avocat de M. Y... et de la société Radio Magick, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1348, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que la règle de la nécessité d'une preuve écrite reçoit exception lorsqu'une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle, mais aussi durable ;
qu'est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 29 avril 1991), que Mme X..., propriétaire de locaux, donnés à bail à M. Y... et à la société Radio Magick, les a assignés en paiement de loyers arriérés, résiliation du bail et expulsion, après leur avoir délivré un commandement de payer ;
Attendu que, pour accueilir la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la photocopie d'une convention contenant dispense de paiement de loyers pendant 35 mois, invoquée par les locataires et contestée par la bailleresse, comportant une signature identique à la sienne, peut être le résultat d'"un montage" et que l'original du document n'a pas été produit ;
Qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les deux témoignages que M. Y... et la société Radio Magick produisaient en vue d'établir la matérialité de l'acte litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne Mme X... à payer à M. Y... et à la société Radio Magick la somme de cinq mille francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne Mme X..., envers M. Y... et la société Radio Magick, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Basse-Terre, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.