AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Crédit paysan d'Aquitaine, caisse de crédit mutuel agricole, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 novembre 1992 par la cour d'appel de Bordeaux (1re Chambre, Section B), au profit :
1 / de M. Michel B..., demeurant à Saint-Paul-de-Serre, 24380 Vergt,
2 / de M. Désiré D..., demeurant ...,
3 / de Mme Christiane X..., veuve A..., agissant en qualité d'ayant droit de M. Abel A..., décédé, demeurant à La Quillou, 24000 Boulazac,
4 / de M. Jean-Pierre A..., agissant en qualité d'ayant droit de M. Abel A..., décédé, demeurant à La Quillou, 24000 Boulazac,
5 / de Mme Roselyne E..., née A..., agissant en qualité d'ayant droit de M. Abel A..., décédé, demeurant ...,
6 / de Mme Madeleine F..., veuve de M.
Albert Z..., demeurant ...,
7 / de Mme Denise Z..., épouse de M. Marcel Y..., demeurant 14, place André Maurois, 24000 Périgueux,
8 / de M. Jacques Z..., demeurant ...,
9 / de M. C..., syndic de la liquidation des biens de M. Jacques Z..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 novembre 1995, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Marc, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Marc, les observations de Me Spinosi, avocat de la société Crédit paysan d'Aquitaine, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. B..., de M. D..., de Mme X..., veuve A..., de M. A... et de Mme E..., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que M. B..., M. D... et Abel A... se sont portés cautions solidaires, au profit du Crédit paysan d'Aquitaine, caisse de crédit mutuel agricole, à concurrence de 200 000 francs en principal outre intérêts et accessoires, de toutes sommes qui pourraient être dues par M. Jacques Z... ;
qu'à la suite de la défaillance et de la mise en règlement judiciaire de ce dernier, le Crédit paysan d'Aquitaine les a assignés en exécution de leurs engagements ;
que M. B..., M. D... et les héritiers d'Abel A..., à savoir Mme veuve A..., Mme E... et M. Jean-Pierre A... ont excipé de la nullité des cautionnements sur le fondement du dol dont ils auraient été victimes et ont formé, à titre subsidaire, un recours contre les héritiers d'Albert Z..., à savoir Mme veuve Z..., Mme Y..., M. Jacques Z..., ainsi que contre M. C..., syndic au règlement judiciaire de ce dernier, pour qu'ils soient déclarés tenus au paiement de la dette dans les limites du cautionnement consenti par Albert Z... ;
que l'arrêt attaqué a rejeté la demande du Crédit paysan d'Aquitaine et mis hors de cause Mme veuve Z..., Mme Y..., M. Jacques Z... et M. C... ;
Attendu que, pour débouter le Crédit paysan d'Aquitaine de sa demande, la cour d'appel, qui a constaté que les cautionnements avaient été consentis moins de trois mois avant le prononcé du règlement judiciaire du débiteur principal déclaré en cessation de paiement au vu de chèques impayés et protestés et qui a considéré que le Crédit paysan d'Aquitaine aurait dû informer les cautions de l'insolvabilité de son client, a énoncé que cet établissement financier ne pouvait, par des agissements constitutifs de dol, se procurer des garanties dans le seul but de recouvrer une créance qu'il savait irrémédiablement en péril ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans analyser, même de manière sommaire, les documents de la cause lui ayant permis d'affirmer que le Crédit paysan d'Aquitaine savait que la situation de M. Jacques Z... était irrémédiablement compromise au moment où les cautionnements ont été consentis et s'était abstenu, par une réticence dolosive, de révéler cette situation aux cautions pour amener celles-ci à consentir les cautionnements litigieux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne les défendeurs, envers la société Crédit paysan d'Aquitaine, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bordeaux, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois janvier mil neuf cent quatre-vingt-seize.
28