Joint en raison de leur connexité les pourvois n° 93-19.948 et n° 94-10.320 :
Attendu que, par arrêt du 14 décembre 1992, devenu irrévocable, M. X..., médecin assuré auprès de la compagnie La Paternelle et la société Clinique Saint-Nicolas, assurée auprès de la compagnie Union des assurances de Paris, ont été déclarés responsables du dommage subi par Mme Y..., qui, à la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée le 20 janvier 1984 consistant en une ostéotomie de valgisation, a dû subir, du fait de négligences de surveillance postopératoire, l'amputation de la jambe ; que cette décision a retenu que le préjudice correspondait à la perte d'une chance de sauvegarde de l'intégrité corporelle ; que l'arrêt attaqué, statuant sur l'évaluation de ce préjudice, a condamné in solidum le praticien et la clinique avec leurs assureurs à payer à la victime la somme de un million de francs à titre de dommages-intérêts et a rejeté la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise au motif que la somme allouée pour perte d'une chance n'entre pas dans l'assiette du recours de cet organisme de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi formé par l'Union des assurances de Paris et la Clinique Saint-Nicolas :
(sans intérêt) ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise :
Vu l'article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les caisses de sécurité sociale sont admises à poursuivre contre les tiers responsables d'une lésion causée à l'un de leurs affiliés le remboursement de leurs prestations à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge de ces tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ; que la victime ne peut demander l'indemnisation de son préjudice selon le droit commun que dans la mesure où il n'est pas réparé par les prestations de sécurité sociale ;
Attendu que, pour débouter la Caisse de son recours l'arrêt énonce que " lorsqu'une personne victime d'une atteinte à son intégrité physique est indemnisée pour avoir perdu une chance d'y échapper, cette indemnisation ne compense pas l'atteinte elle-même mais vise seulement à remettre ladite personne dans la situation qui était la sienne avant la perte de chance, c'est-à-dire avant que l'atteinte physique seulement aléatoire ou possible ne devienne certaine ; que le dommage ainsi réparé n'est pas de ceux que les prestations de sécurité sociale ont pour objet de compenser puisque son existence ne conditionne aucune de ces prestations " ;
Attendu, cependant, que la perte de chance indemnisée concernait l'intégrité physique de la victime de sorte que l'indemnité allouée à ce titre était nécessairement soumise au recours des organismes de sécurité sociale, sous la seule réserve de la part d'indemnité afférente le cas échéant au préjudice de caractère personnel ;
Attendu, dès lors, qu'en se déterminant ainsi qu'elle a fait la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise :
REJETTE le pourvoi formé par la Clinique Saint-Nicolas et l'Union des assurances de Paris ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté le recours de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, l'arrêt rendu le 21 juillet 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.