AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Régine X..., épouse Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 février 1993 par la cour d'appel de Douai (8e chambre civile), au profit de la société Banque nationale de Paris (BNP), dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 janvier 1996, où étaient présents : M. Fouret, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Delaroche, conseiller rapporteur, Mme Lescure, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Delaroche, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme X..., épouse Y..., de Me Vincent, avocat de la société Banque nationale de Paris (BNP), les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par acte sous seing privé du 11 juillet 1963, Mme X..., épouse Y..., s'est portée caution personnelle solidaire et indivisible auprès de la Banque nationale pour le commerce et l'industrie (BNCI), de tous engagements en capital, intérêts et accessoires pris par M. Y... ;
que la Banque nationale de Paris (BNP), dont la création résulte de la fusion de la BNCI et du Comptoir national d'escompte de Paris, (CNEP), a réclamé à Mme Y... la somme de 698 445,22 francs avec intérêts au taux conventionnel de 12,80 % à compter du 10 avril 1988 ;
que celle-ci a opposé que son acte de cautionnement n'était pas valable parce qu'il ne répondait pas aux exigences des articles 2011, 2015 et 1326 du Code civil ;
qu'elle a aussi invoqué le non-respect de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;
que l'arrêt attaqué a condamné Mme Y... au paiement de la somme réclamée avec intérêts au taux légal du 10 avril 1988 et a écarté la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque pour la période du 31 mars 1985 au 31 mars 1987 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'en cas de fusion de sociétés donnant lieu à la formation d'une personne morale nouvelle, l'obligation de la caution qui s'était engagée envers l'une des sociétés fusionnées n'est maintenue pour la garantie des dettes postérieures à la fusion que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de la caution de s'obliger envers la nouvelle personne morale ;
qu'à défaut d'une telle manifestation de la part de Mme Y... son engagement envers la BNCI ne pouvait être invoqué que pour les créances dont cette banque était titulaire lors de la fusion avec le CNEP et de la création concomitante de la BNP ;
qu'en la condamnant sur le fondement d'un cautionnement conclu au profit de la BNCI à payer les dettes de son époux nées postérieurement à l'égard de la BNP, la cour d'appel a violé les articles 2015 du Code civil et 371 de la loi du 24 juillet 1967 ;
Mais attendu que Mme Y... qui, devant les premiers juges, avait invoqué que son engagement n'était pas valable en raison de l'absence de mentions conformes aux exigences des textes et de son caractère indéterminé, n'a pas critiqué, en cause d'appel, leur décision tenant l'acte pour valable et bénéficiant à la BNP ;
que la juridiction du second degré a relevé que l'intéressée ne contestait pas la validité de son engagement mais reprochait à la banque de ne pas avoir respecté son obligation d'information, ce qui, depuis 1985, l'avait privée de la possibilité de révoquer ledit engagement ; que, dès lors, Mme Y... n'est pas recevable à invoquer, pour la première fois devant la Cour de Cassation, le moyen pris de ce que son cautionnement ne pouvait bénéficier à la BNP pour les dettes de son mari, nées postérieurement à la création de cette banque ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 48 et 62 de la loi n 84-148 du 1er mars 1984 ;
Attendu que les dispositions du premier de ces textes, qui mettent à la charge des établissements de crédit une obligation d'information annuelle envers les cautions, sont applicables aux contrats qui étaient en cours le 1er mars 1985, date à laquelle la loi, en vertu du second texte, est entrée en vigueur
Attendu que, pour décider qu'il n'y avait pas lieu à déduction des intérêts au taux conventionnel du 31 mars 1985 au 31 mars 1987, l'arrêt énonce que l'obligation prévue à l'article 48 ne joue pas pour les cautionnements contractés avant le 1er mars 1985 ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déduction des intérêts au taux conventionnel du 31 mars 1985 au 31 mars 1987, l'arrêt rendu le 11 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par Mme Y... sur le fondement de ce texte ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Douai, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile , et prononcé par M. le président en son audience publique du treize février mil neuf cent quatre-vingt-seize.
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