AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Annie A..., divorcée Z..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 novembre 1994 par la cour d'appel de Paris (6e chambre, section A), au profit :
1°/ de la société civile immobilière (SCI) Albine 49, dont le siège est ...,
2°/ de M. Serge X..., demeurant ...,
3°/ de M. Jean-Claude Y..., mandataire-liquidateur, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Serdim, demeurant ...,
4°/ de M. Marc Z..., demeurant chez Mme C..., ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 6 novembre 1996, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Stéphan, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, MM. Bourrelly, Stéphan, Peyrat, Martin, Guerrini, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme Stéphan, conseiller, les observations de Me Capron, avocat de Mme B..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X..., de Me Roger, avocat de la société civile immobilière (SCI) Albine 49, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur la déchéance du pourvoi, relevée d'office :
Attendu que le mémoire ampliatif n'a été signifié ni à M. Z..., ni à M. X..., ni à M. Y... et qu'il n'est pas dirigé contre eux; qu'il y a lieu, en conséquence, de constater la déchéance du pourvoi à leur égard;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation;
Attendu que des locaux à usage professionnel ne peuvent, s'ils ne conservent pas leur destination primitive, être affectés à un usage autre que l'habitation; qu'il ne peut être dérogé à cette interdiction que par autorisation administrative préalable et motivée, après avis du maire; que sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation de ces dispositions;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 1994), que la société Albine 49 a, selon contrat du 10 octobre 1991, donné à bail, à compter du 1er décembre suivant, des locaux à usage mixte professionnel et d'habitation à M. Z... pour y exercer la profession d'avocat; que celui-ci a cédé le bail à son épouse, Mme B..., exerçant la même profession; qu'aucun loyer n'ayant été réglé après décembre 1991, la bailleresse a fait délivrer, en juillet 1992, un commandement de payer à chacun des époux; que, le 30 juillet 1992, les lieux ont été libérés; que les époux Z... ont assigné la société Albine 49 en nullité du bail et des commandements; que celle-ci les a assignés en paiement d'une certaine somme à titre d'arriérés de loyers;
Attendu que, pour condamner Mme B... à payer une certaine somme à la société Albine 49 à titre d'arriérés de loyers, la cour d'appel retient que le bail stipulait que le preneur devrait faire son affaire personnelle de l'obtention des autorisations administratives en fonction de l'utilisation projetée des locaux, que M. Z... ne justifiait pas de démarches accomplies par lui après le 10 octobre 1991, date de la signature du bail, en vue d'obtenir l'autorisation administrative nécessaire pour exercer sa profession d'avocat et qu'à la date du départ des lieux de son épouse, Mme B..., aucune demande d'autorisation n'avait été rejetée par les services de la préfecture;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorisation administrative exigée par la loi aurait dû être obtenue préalablement à la signature du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE Mme B... déchue de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z..., M. X... et M. Y...;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme B... à payer à la société Albine 49 la somme de 405 065,25 francs augmenté des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 1992 sur la somme de 382 520 francs et à compter du 27 novembre 1992 pour le reste, l'arrêt rendu le 9 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles;
Condamne la SCI Albine 49 aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme B... à payer à M. X... la somme de 3 000 francs;
Dit que sur les diligences de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.