Attendu que, lors de son mariage avec Mme Y..., célébré sans contrat préalable le 15 janvier 1972, M. X... exploitait, en qualité de " viticulteur récoltant ", environ un hectare de terre à vignes en Champagne ; qu'au cours du mariage les époux X... ont acquis et loué d'autres parcelles de terre pour exploiter au total environ 5 hectares de vignes, acheté du matériel de vinification et de champagnisation et exercé une activité de " viticulteurs récoltants manipulant " ; qu'après le divorce prononcé le 22 décembre 1988 l'épouse a sollicité sa part annuelle dans les bénéfices de l'exploitation viticole pour les années 1988 à 1991 ;
Sur le premier moyen, pris en ses sept branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 27 octobre 1994) d'avoir décidé que les biens acquis pendant la durée du mariage par les époux X...-Y..., mariés sous le régime de la communauté légale, pour l'exploitation viticole étaient des biens communs et que les baux qui leur avaient été consentis étaient entrés en communauté et d'avoir condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 798 510 francs au titre de sa part sur les bénéfices annuels des années 1988 à 1991 de l'exploitation viticole ayant dépendu de la communauté conjugale, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu'est exploitant viticole quiconque exerce de façon habituelle, et pour son propre compte, une activité ayant pour objet la maîtrise d'un fonds à caractère viticole et la récolte des fruits qui en sont issus, en vue de leur transformation, peu important que les opérations de vinification soient réalisées dans les locaux d'un tiers et avec du matériel appartenant à ce dernier ; qu'en estimant que M. X..., bien qu'exerçant avant son mariage une activité de récoltant de champagne, issu de vignes lui appartenant, ne pouvait prétendre posséder une " exploitation viticole " dans la mesure où il ne justifiait d'aucun local d'exploitation personnel ni d'aucune marque, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi agricole du 30 décembre 1988 et l'article 1406 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, qu'en s'abstenant d'examiner l'attestation de la mutualité sociale agricole de l'Aube que M. X... avait produite aux débats, d'où il résultait qu'il exerçait la profession d'exploitant viticole bien avant son mariage, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en troisième lieu, que l'acquisition, même avec des fonds communs aux époux, de droits mobiliers ou immobiliers en vue de l'extension d'une exploitation agricole propre à l'un d'eux, ne peut faire perdre à cette exploitation son caractère de bien propre ; qu'en estimant que l'exploitation était réputée appartenir à la communauté dans la mesure où les parcelles nouvelles avaient été acquises ou louées au nom des époux X...-Y..., qu'elles étaient d'une superficie plus importante que celle appartenant en propre à M. X..., et que le matériel avait été financé par les deux époux, circonstances qui ne pouvaient avoir eu pour effet de priver de son caractère de bien propre l'exploitation viticole de M. X..., universalité distincte des biens qui la composaient, que les époux s'étaient bornés à accroître et développer sans lui faire perdre son identité, la cour d'appel a violé l'article 1406 du Code civil ; alors, en quatrième lieu, qu'en s'abstenant de constater que l'exploitation viticole de M. X... avait disparu et qu'une exploitation viticole entièrement nouvelle par son objet, la nature ou la spécificité des produits, s'y était substituée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; alors, en cinquième lieu, que les biens acquis au titre de l'extension d'une exploitation agricole appartenant en propre à l'un des époux suivent le régime de cette exploitation, sauf volonté contraire des époux ; qu'en déclarant qu'il appartenait à M. X... de rapporter la preuve que l'intention des époux était d'affecter aux propres du mari des biens et droits acquis en vue de l'extension de l'exploitation, quand il appartenait
à Mme Y... de rapporter la preuve d'une intention contraire, la cour d'appel a inversé le fardeau de la preuve et violé les articles 1406 et 1315 du Code civil ; alors, en sixième lieu, qu'en déduisant l'acquiescement de M. X... aux prétentions de son épouse de la seule constatation qu'il avait été " opposé " à Mme Y..., durant l'instance en divorce, que compte tenu de la " consistance de la communauté " elle ne pouvait prétendre à une prestation compensatoire, constatations d'où il ne résulte nullement que M. X... aurait renoncé sans équivoque, en cours de procédure, à se prévaloir du droit exclusif qu'il estimait détenir sur l'exploitation viticole, la cour d'appel a violé l'article 2221 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en déduisant la preuve du bien-fondé des prétentions de Mme Y... de ce que M. X... aurait reconnu, au cours de la procédure de divorce, que la communauté était suffisamment " consistante " pour préserver les droits de son épouse, reconnaissance qui n'impliquait en rien que l'exploitation viticole fît partie de cette communauté, la cour d'appel a violé l'article 1354 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que c'était pendant la durée du mariage que les époux X... avaient acquis et loué des terres, acheté du matériel de vinification et de champagnisation pour créer une exploitation de production de champagne dotée de locaux, d'une marque et d'une clientèle ; qu'elle a relevé que la carte professionnelle de viticulteurs récoltants manipulant avait été délivrée au nom des deux époux par le comité interprofessionnel des vins de champagne ; qu'en l'état de ces constatations, ayant souverainement retenu que cette activité était différente de celle exercée par le mari avant le mariage et s'adressait à une nouvelle clientèle, de sorte que les biens acquis par les époux ne constituaient pas les accessoires de l'exploitation appartenant en propre au mari, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme Y... la somme de 798 510 francs au titre de sa part sur les bénéfices annuels des années 1988 à 1991 de l'exploitation viticole ayant dépendu de la communauté actuellement en indivision, alors, selon le moyen, qu'à compter de la cessation de la communauté, seuls les fruits et revenus des biens communs aux époux accroissent à l'indivision ; qu'en l'espèce la cour d'appel constate expressément que l'exploitation viticole constituait un bien de communauté " à l'exception des propres du mari " ; qu'en décidant que les fruits de ces propres, perçus postérieurement à la date de la cessation de la communauté, accroissaient à l'indivision, la cour d'appel a violé les articles 815-10 et 1401 du Code civil ;
Mais attendu que l'indivisaire qui met à la disposition de l'indivision un bien dont il est propriétaire en vue de l'exploitation d'un bien indivis, peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 815-13 du Code civil, et non aux fruits de ce bien ; qu'ayant constaté que M. X... avait mis à la disposition de l'indivision postcommunautaire la parcelle de terre lui appartenant en propre, la cour d'appel lui a alloué, à bon droit, une indemnité dont elle a déduit le montant des bénéfices annuels procurés par les biens indivis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.