Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 avril 1994), qu'un incendie a détruit, en mai 1990, une partie des locaux de la SARL Tezel (la société) ; que, conformément aux stipulations du contrat d'assurance, cette société et son assureur, la compagnie La France, ont désigné chacun un expert aux fins de chiffrage du préjudice ; que, le 18 décembre 1990, le gérant de la société a signé un document intitulé " délégation " par lequel il déclarait déléguer à la société Cabinet Luc Expert, expert de l'assuré, la somme de 134 085,60 francs correspondant au montant des honoraires dudit cabinet, à prendre par préférence à lui-même et à tous autres sur toutes les sommes dues par l'assureur ; que le Cabinet Luc Expert a, le 27 mars 1991, assigné l'assureur en paiement de cette somme principale, tandis que, le 14 juin suivant, la société était mise en redressement judiciaire ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le Cabinet Luc Expert reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande, alors que, d'une part, en écartant la qualification de stipulation pour autrui, après avoir constaté qu'aux termes de la clause 123 du contrat d'assurance la compagnie La France s'était engagée à payer les honoraires de l'expert qui serait, le cas échéant, désigné par l'assuré en cas de sinistre, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et aurait ainsi violé l'article 1121 du Code civil ; et alors que, d'autre part, en incluant dans l'assiette des saisies et oppositions pratiquées par divers créanciers de la société Tezel le montant des honoraires réclamés par l'expert, la cour d'appel aurait violé ensemble les articles 2093 du Code civil et 557 du Code de procédure civile ancien ;
Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir relevé que la clause invoquée garantissait le remboursement des honoraires d'expert, a décidé que la qualification de stipulation pour autrui était exclue dans la mesure où aucun engagement n'était intervenu entre l'assuré et l'assureur au profit de la SARL Cabinet Luc Expert ; qu'ensuite, ayant ainsi écarté l'éventualité d'une stipulation pour autrui, elle en a justement déduit que la créance contre l'assureur figurait dans le patrimoine de l'assuré ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Et, sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de s'être prononcé comme il a fait, alors que, en refusant de considérer les frais d'expertise amiable comme des frais engagés par l'assuré pour la conservation de la créance d'indemnité, au seul motif que l'expertise amiable n'a lieu qu'à défaut de fixation des dommages de gré à gré, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, sans rechercher si le désaccord entre l'assuré et l'assureur sur le montant du préjudice consécutif au sinistre n'avait pas rendu indispensable le recours à la procédure d'expertise amiable pour sauvegarder les droits de l'assuré, n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2102.3° du Code civil ;
Mais attendu que le privilège spécial de l'article 2102.3° ne peut porter que sur un meuble déterminé et non sur l'ensemble du patrimoine d'un débiteur ; que l'arrêt énonce que les honoraires d'une expertise amiable ne peuvent être considérés comme des frais engagés pour la conservation de la chose, au sens de ce texte, et relève que l'expertise ne tendait pas au sauvetage d'un bien mais n'avait eu lieu qu'à défaut de fixation des dommages de gré à gré ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.