AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Pridis, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1994 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre civile, 1re section), au profit :
1°/ de M. Elie Y...,
2°/ de M. Daniel E..., demeurant tous deux ...,
3°/ de M. Raymond C..., demeurant ...,
4°/ de M. Philippe X..., demeurant ...,
5°/ de M. Gaston A..., demeurant ...,
6°/ de M. Georges Z..., demeurant ...,
7°/ de M. Robert B..., demeurant ...,
8°/ de M. Maurice D..., demeurant ...,
9°/ de l'association de défense des propriétaires et riverains du Centre commercial Leclerc (ADCL) à Saint-Prix, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 4 décembre 1996, où étaient présents : M. Chevreau, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Pierre, Dorly, Colcombet, Mme Solange Gautier, conseillers, M. Joinet, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Chevreau, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Pridis, de Me Cossa, avocat de M. Y..., de M. E..., de M. C..., de M. X..., de M. A..., de M. Z..., de M. B..., de M. D... et de l'ADCL, les conclusions de M. Joinet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 1994), que l'Association de défense des propriétaires et riverains du Centre commercial Leclerc (l'association) et huit propriétaires, agissant individuellement, ont assigné la société Pridis, exploitante d'un centre commercial, en cessation de troubles anormaux de voisinage et indemnisation; qu'un premier jugement du 14 novembre 1990 a déclaré irrecevable l'action de l'association et ordonné une expertise; qu'après dépôt du rapport, un second jugement a déclaré recevable l'intervention de l'association à l'instance et au fond, a accueilli les demandes;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, en confirmant le jugement, déclaré recevable l'intervention de l'association, alors, selon le moyen, que, d'une part, en vertu de l'article 1351 du Code civil, il y a autorité de la chose jugée dès lors que la même demande a été formulée entre les mêmes parties en la même qualité; qu'il y a identité de qualité entre les parties lorsqu'elles agissent en vertu du même titre juridique, même si elles modifient la forme procédurale de leur demande; qu'en déniant au jugement du 14 novembre 1990 l'autorité de la chose jugée concernant l'irrecevabilité de la demande de l'ADCL au seul motif, inopérant, qu'elle avait modifié la forme de son intervention procédurale, sans préciser en quoi elle était intervenue dans la seconde instance en une qualité différente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé; et alors, d'autre part, qu'en vertu des articles 480 et 481 du nouveau Code de procédure civile, une décision rendue "en l'état" dessaisit le juge et acquiert l'autorité de la chose jugée quant aux chefs de demande sur lesquels elle a statué; qu'en affirmant que le jugement du 14 novembre 1990 n'avait pas l'autorité de la chose jugée quant à l'irrecevabilité de la demande de l'ADCL parce qu'il avait statué en l'état, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient qu'en produisant les procès-verbaux des assemblées générales et l'agrément de l'association au regard de l'article L. 160-1 du Code de l'urbanisme, elle justifiait des pouvoirs de son président pour agir en justice ;
qu'il en a exactement déduit, le jugement du 14 novembre 1990 ayant déclaré l'action de l'association irrecevable faute de ces justifications, que l'intervention de l'association à l'instance était désormais recevable;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes de l'association et des propriétaires riverains, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 1382 du Code civil, pour qu'il y ait trouble anormal de voisinage, obligeant l'auteur à en réparer les conséquences, il faut que le caractère excessif du trouble puisse lui être imputable; qu'en affirmant que c'était le cumul de tous les bruits ambiants qui rendait le bruit insupportable, sans rechercher si les troubles provenant de la seule société Pridis dépassaient, quant à eux, le seuil tolérable, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard du texte susvisé;
Mais attendu qu'ayant relevé que le centre commercial se trouvait dans une zone "UBA", réservée aux habitations individuelles avec possibilité d'y installer des établissements de toute nature, mais à la condition qu'ils n'apportent pas une gêne dépassant les inconvénients normaux de voisinage, l'arrêt retient que les bruits générés par le groupe électrogène, l'installation frigorifique et les opérations de livraison et de manutention constituent des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage;
D'où il suit que l'arrêt ayant procédé à la recherche prétendument omise, le moyen ne peut qu'être écarté;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pridis aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Pridis à payer à chacun des défendeurs, soit MM. Y..., E..., Le Foll, X..., A..., Z..., B... et Renard et à l'ADCL la somme de 2 000 francs;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.