AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Catherine X... divorcée Pennes, demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 novembre 1994 par la cour d'appel de Paris (6e chambre, section A), au profit de Mme Monique Y..., demeurant "La Flerie", Saint-Ideuc, 34500 Saint-Malo,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 17 décembre 1996, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Martin, Guerrini, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Sodini, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Toitot, conseiller, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de Mme X..., de Me Roger, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 novembre 1994), que Mme Y... ayant donné un appartement à bail à Mme X..., au visa de l'article 3 quinquies de la loi du 1er septembre 1948, lui a proposé un nouveau contrat avec un loyer augmenté en application de l'article 21 de la loi du 23 décembre 1986; que Mme X... ayant accepté la proposition mais refusé de signer l'acte, la propriétaire l'a assignée pour faire constater que les relations entre les parties étaient régies selon cette proposition et prononcer la résiliation du bail;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1°/ que la renonciation à une législation d'ordre public de protection ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté d'y renoncer en connaissance de cause; que l'acceptation par une locataire d'une proposition de renouvellement de bail sur le fondement de la loi Méhaignerie - en raison de son impossibilité d'envisager un déménagement - et son refus ultérieur de signer le bail renouvelé laissent un doute sur sa volonté de renoncer aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 en connaissance de cause; que, dès lors, en relevant une telle acceptation et un tel refus, pour en déduire une renonciation à la loi du 1er septembre 1948, la cour d'appel, qui a caractérisé que celle-ci était équivoque, a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions d'appel qui leur sont soumises; qu'à titre subsidiaire, Mme X... avait invoqué l'irrégularité du bail proposé sur le fondement de la loi Méhaignerie; qu'en ne répondant pas aux conclusions invoquant ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile";
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme X... avait accepté la proposition de nouveau bail, selon les dispositions de la loi du 23 décembre 1986, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses énonciations rendaient inopérantes, a pu en déduire que la locataire avait renoncé de manière non équivoque à l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948, peu important le refus postérieur de celle-ci de signer le contrat;
D'où il suit que moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "que la résiliation du bail ne peut sanctionner le comportement du preneur lorsqu'il est commandé par celui du bailleur; que Mme X..., preneur, faisait valoir que Mme Y..., propriétaire, avait refusé de délivrer des quittances de loyer depuis 1979 et avait entretenu une incertitude quant à la législation applicable laissant la locataire dans l'ignorance de ses droits, de sorte que le défaut de paiement du loyer réclamé était davantage le fait du bailleur que le sien, ce qui excluait le prononcé de la résiliation à ses torts; qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si la carence imputée à la locataire ne provenait pas de la bailleresse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil";
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme X... avait manqué de façon grave et répétée à son obligation, essentielle pour un locataire, de payer le loyer et les charges, la cour d'appel, qui, sans être tenue de répondre à de simples arguments, a souverainement retenu que ces manquements justifiaient la résiliation du bail, a légalement justifié sa décision de ce chef;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile , et prononcé par le président en son audience publique du cinq février mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.