Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux Georges X... et Marthe Z... se sont mariés en 1887 sous le régime de la communauté ; que, de cette union, sont issues trois filles : C..., épouse L'Ecuyer de Villers, elle-même mère de quatre enfants (Jean, Marie, Claire et B...), Marie-Thérèse et B... ; que, par testament olographe du 10 mai 1950, M. Georges X... a institué Marthe A... et Marie-Thérèse en qualité de colégataires universelles, B... ne recevant que des legs particuliers ; que ce testament comportait une clause de substitution ainsi rédigée : " Je veux que Marthe X..., ma fille, épouse André A..., ait la charge de conserver et de remettre à son décès, à ses enfants nés ou à naître, les immeubles qu'elle aura recueillis dans ma succession " ; qu'un codicille du 18 juin 1950 a précisé que la clause ne concernait que les immeubles composant le " domaine de Vaux " ; que les époux Y... sont décédés respectivement en 1952 et en 1957 ; que, par jugement du 12 novembre 1985, le tribunal de grande instance d'Angers a ordonné le partage, lequel a été effectué entre les deux soeurs, Mme Marthe A... et Mme Marie-Thérèse X..., selon acte notarié du 16 mai 1988 homologué par jugement du 27 septembre 1988, Mme Madeleine X... s'étant déclaré remplie de ses droits ; que le domaine de Vaux a été mis dans le lot de Mme Marthe L'Ecuyer de Villers ; que, les 24 et 25 avril 1990, Jean, Marie et Claire A... ont assigné leur soeur B... et leur mère pour voir prononcer à l'encontre de cette dernière la déchéance prévue par l'article 1057 du Code civil et encourue faute par elle d'avoir fait procéder à la nomination d'un tuteur aux biens grevés de substitution, et pour voir ouvrir à leur profit leurs droits sur le domaine de Vaux ; que, par un premier arrêt du 7 juin 1993, la cour d'appel d'Angers a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action en déchéance intentée par les consorts A... ; qu'un pourvoi a été formé contre cette décision ; que l'arrêt attaqué (Angers, 16 mai 1994) a estimé que la mise en oeuvre de la clause de substitution portait atteinte à la réserve héréditaire de Mme Marthe A..., et que la réduction de l'assiette de la substitution à la quotité disponible ne pourrait être prononcée qu'aux termes des opérations d'expertise destinées à déterminer la consistance des biens après cette réduction ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mmes C... et Madeleine A... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action en déchéance, alors, selon le moyen, que les appelés se trouvaient, à l'égard du bien grevé, dans la situation d'indivisaires, ce qui impliquait l'unanimité dans l'exercice de l'action en déchéance ; qu'en déclarant celle-ci recevable, bien que l'un des quatre indivisaires ait refusé de s'associer à son exercice, l'arrêt attaqué a violé les articles 815-3 et 1057 du Code civil ;
Mais attendu que, jusqu'à son décès, le grevé est pleinement propriétaire du bien, sur lequel les appelés ne disposent que d'un droit éventuel ; que, la formation de l'indivision entre ces derniers ne devant être que la conséquence de l'action en déchéance, l'exercice de cette action n'est pas soumis aux dispositions de l'article 815-3 du Code civil ;
Qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est également reproché à la cour d'appel d'avoir refusé d'annuler la clause de substitution, alors, selon le moyen, d'une part, qu'une telle clause était nulle, puisqu'elle grevait un bien, le domaine de Vaux, qui pouvait ne pas être mis dans le lot du grevé, Mme Marthe A... ; qu'il n'y avait donc pas identité entre le bien donné et le bien grevé ; qu'en validant néanmoins cette clause la cour d'appel a violé les articles 1048 et suivants et 1134 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la même clause consacrait une condition purement potestative de la part du grevé, qui pouvait faire en sorte que le bien ne soit pas placé dans son lot ; qu'en refusant de nouveau de prononcer cette nullité la juridiction du second degré a violé les articles 944, 1048 et suivants et 1134 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que s'il est exact que le domaine de Vaux pouvait être placé dans le lot de Mme Marie-Thérèse Bourcier plutôt que dans celui de sa soeur, Mme Marthe A..., ce qui aurait rendu la clause de substitution sans objet puisque la première n'avait pas d'enfants, cette circonstance ne saurait entraîner la nullité d'une telle clause, qui n'est contraire à aucune des dispositions des articles 1048 et suivants du Code civil ;
Attendu, ensuite, que l'article 944 du même Code ne vise que la libéralité faite sous une condition dont l'exécution dépend de la seule volonté du donateur, de telle sorte que ce texte est inapplicable en l'espèce ;
D'où il suit que le deuxième moyen ne peut davantage être retenu en aucune de ses deux branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que Mmes B... et Marthe A... font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que la sanction de l'atteinte à la réserve de cette dernière était la réduction en nature de l'assiette de la réduction, alors, selon le moyen, que toute substitution ne peut affecter la réserve du grevé et ne peut concerner que la part de quotité disponible dont ce dernier se trouve gratifié ; qu'en l'espèce le testateur n'a légué à sa fille C... que la moitié de cette quotité disponible, soit un huitième de la masse, et a frappé de substitution un bien, le domaine de Vaux, dont la valeur excédait cette quotité ; qu'en prononçant la réduction, sans rechercher si le bien grevé était divisible ou indivisible, alors que, dans cette seconde hypothèse, la sanction ne pouvait être que la nullité de la substitution, la cour d'appel a violé les articles 920 et suivants, 1048 et suivants, et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, Mme Marthe A... n'a jamais soutenu que le domaine de Vaux serait indivisible, ce qui empêcherait toute réduction en nature de l'assiette de la substitution et conduirait à la nullité de celle-ci, de telle sorte que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, par suite, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.