AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Isabelle X..., mandataire judiciaire, demeurant ..., agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société France Andrevie, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1994 par la cour d'appel de Dijon (1e chambre, 1ere section), au profit de la société civile immobilière (SCI) 2, place des Victoires, dont le siège social est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 mars 1997, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Peyrat, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Peyrat, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Andrevie, de Me Blondel, avocat de la SCI 2, place des Victoires, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 octobre 1994), statuant sur renvoi après cassation, que la société civile immobilière (SCI) 2 Place des Victoires a donné à bail des locaux à la société France Andrevie déclarée ensuite en liquidation des biens, avec Mme Didier comme liquidateur; que la SCI, après avoir adressé des commandements de payer des loyers restés sans effet, a assigné la société France Andrevie en résiliation de bail et subsidiairement en déclaration de validité du congé sans indemnité d'éviction ;
Attendu que Mme X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en déclaration de validité du congé, alors, selon le moyen, "1°) que les dispositions de l'article 38 de la loi du 25 janvier 1985 qui font état de l'action en résiliation du bail, terme général qui s'entend de toute action tendant à la rupture du contrat de bail, ne peuvent que s'appliquer à l'action en validation d'un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, laquelle sanctionne le comportement fautif du locataire par la perte du droit à renouvellement; qu'en en décidant autrement, l'arrêt attaqué a violé le texte précité; 2°) que l'article 47 de la loi suspend ou interdit de la part des titulaires de créances ayant une origine antérieure à l'ouverture de la procédure collective, toute action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent; que tel est bien le cas de l'action en validation d'un congé, avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour défaut de paiement de loyers antérieurs à la procédure collective; qu'en déclarant recevable l'action du bailleur, l'arrêt attaqué a encore violé ce texte; 3°) que le bailleur, qui a entrepris contre son locataire une action tendant à faire constater le jeu de la clause résolutoire pour non-paiement de loyers, action sur laquelle le locataire a obtenu une ordonnance exécutoire lui octroyant des délais de paiement, ne peut, en se fondant sur les mêmes défauts de paiement de loyers, introduire une action en validation de congé, faisant échec aux droits issus pour le locataire de l'instance antérieurement engagée, et ayant donné lieu à une décision exécutoire; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé l'article 489 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ni les dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, suivant lesquelles le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au dit jugement et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ni celles de l'article 38 de la même loi, dans sa rédaction applicable en la cause, qui prévoit que le bailleur ne peut introduire ou poursuivre une action en résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise pour défaut de paiement des loyers que s'il s'agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement d'ouverture, ne fait obstacle à la recevabilité de l'action en déclaration de validité de congé avec refus de renouvellement fondée sur les dispositions de l'article 9-2° du décret du 31 septembre 1953 ;
Attendu, d'autre part, que l'action en refus de renouvellement du bail étant distincte de l'action en résiliation, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'introduction de l'action en résiliation n'interdisait nullement à la SCI 2 Place des Victoires de poursuivre l'instance en déclaration de validité du congé à laquelle elle n'avait pas renoncé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que Mme X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer valable le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, alors, selon le moyen, "1°) qu'en se bornant à affirmer que les sommes de 6 838,29 francs et 3 846,56 francs visées par le commandement du 12 mai 1986 étaient effectivement dues puisqu'elles avaient été offertes en,1987-1988, sans se prononcer sur les conclusions de Mme X..., ès qualités, qui contestaient que ces sommes soient dues en citant une lettre du syndic de la locataire en date du 14 mai 1986 faisant état d'un double paiement et sans se prononcer sur les motifs du jugement, dont confirmation était demandée, relevant que les sommes réglées en 1987 et 1988 avaient pour objet le terme suivant celui visé par le commandement du 12 mai 1986, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que le locataire ayant en ce qui concerne les commandements du 5 janvier 1990, obtenu des délais du juge des référés, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans méconnaître le caractère exécutoire de cette décision, dont l'appel est toujours pendant, reprocher au locataire un défaut de paiement dans le mois des causes de ce commandement; qu'il a ainsi violé l'article 489 du nouveau Code de procédure civile; 3°) que l'arrêt attaqué ne pouvait relever que les délais de paiement n'auraient pas été respectés par la locataire sans se prononcer sur les conclusions faisant état de versements réguliers jusqu'au dépôt de bilan; qu'ainsi l'arrêt attaqué a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 4°) que les commandements du 21 septembre 1990 qui avaient été délivrés six mois après que la locataire ait quitté les lieux et dut abandonner l'exploitation de son fonds concernaient des sommes résultant d'instances en révision de loyers ayant donné lieu à des jugements du 6 juin 1990, qui avaient été frappés d'appel par la locataire et se situaient peu avant le dépôt de bilan du 7 décembre 1990; qu'en s'abstenant de prendre en considération ces circonstances, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 5°) qu'une mise en demeure d'avoir à payer des loyers ne peut valablement intervenir sans avoir été précédée d'un avis d'échéance adressé au locataire et présentation d'une quittance; qu'en en décidant autrement, l'arrêt attaqué a violé l'article 1247, alinéa 3, du Code civil; 6°) que le locataire, qui a reçu un congé avec refus de renouvellement du bail, n'est pas tenu de se maintenir dans les lieux, qu'il ne peut lui être reproché, dès lors qu'il a quitté les
lieux un défaut d'exploitation du fonds de commerce; qu'il n'était aucunement allégué, en l'espèce, que la locataire aurait abandonné l'exploitation du fonds avant d'abandonner les lieux ;
qu'aucun commandement n'avait été délivré à cet égard; qu'en retenant à faute à Mme X..., ès qualités, d'avoir quitté les locaux sans transférer son fonds de commerce, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 9 du décret du 30 septembre 1953;
7°) que l'arrêt attaqué ne pouvait omettre de vérifier la gravité des motifs de non-renouvellement invoqués par le bailleur; que l'examen de ceux-ci ne pouvait que conduire les juges du fond à constater que le refus de renouvellement n'avait été délivré qu'au regard de commandements du 12 mai 1986 concernant des sommes minimes et que les difficultés de la locataire, postérieures au congé, n'étaient pas étrangères à la situation précaire dans laquelle l'avait plongée le refus de renouvellement, la privant de toute possibilité d'investissement et la contraignant à l'abandon de son fonds de commerce, et au dépôt de bilan; que la situation de la locataire avait justifié l'octroi de délais par le juge des référés et que les paiements avaient été interrompus concomitamment au dépôt de bilan; qu'en s'abstenant de s'interroger sur la gravité des manquements reprochés, au regard des circonstances de la cause, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 9 du décret du 30 septembre 1953; 8°) qu'en tenant pour non légitimes le départ des lieux par la locataire et le non-transfert de son fonds de commerce bien que ce comportement ait été parfaitement légitime en l'état du refus de renouvellement et n'ait pas été sans conséquences sur les défauts de paiement postérieurs, l'arrêt attaqué a nécessairement entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 9 du décret du 30 septembre 1953" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les sommes réclamées par les commandements du 12 mars 1986 étaient effectivement dues et n'avaient pas été réglées dans le mois, ainsi qu'il résultait du fait que la société France Andrevie les avait acquittées à la SCI 2 Place des Victoires sous forme de chéques respectivement le 26 avril 1988 et le 14 décembre 1987, sans autre réserve que de pure forme, qu'en ce qui concerne les commandements du 8 janvier 1990 portant sur des soldes de loyers, le président du tribunal de Paris avait par deux ordonnances des 26 janvier et 26 mars 1990, octroyé des délais de paiement qui n'avaient pas été entièrement respectés, ce qui avait entraîné les nouvelles mises en demeure du 21 septembre 1990, que les sommes dues n'avaient pas été réglées dans le délai du mois, que l'ouverture de la procédure collective n'est intervenue que le 17 janvier 1991, la cessation des paiements étant fixée au 7 décembre 1990, la cour d'appel, répondant aux conclusions et abstraction faite de motifs surabondants, a pu en déduire que les différents défauts de paiement en cours constituaient au sens de l'article 9-1° du décret du 30 septembre 1953 un motif grave et légitime de refuser le renouvellement des baux sans indemnité :
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Andrevie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Andrevie à payer à la SCI 2, place des Victoires la somme de 9 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile , et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.