AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ la Mutuelle des transports, dont le siège est ..., et actuellement ...,
2°/ la Société générale de mécanique Carnis, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 décembre 1994 par la cour d'appel de Paris (17e chambre, section A), au profit :
1°/ de M. Bernard D..., agissant tant en son nom personnel que comme administrateur légal des biens de ses enfants mineurs Yves et Morgan,
2°/ de Mme Annick A..., épouse D..., agissant tant en son nom personnel que comme administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Yves et Morgan,
3°/ de M. Thierry D...,
4°/ de Mme Geneviève Z..., épouse A...,
5°/ de M. Yves D..., demeurant tous ...,
6°/ de l'Union des assurances de Paris (UAP), dont le siège est ...,
7°/ de M. E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ercab, demeurant ...,
8°/ de M. Alain B..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
En présence de : M. Jean-Luc Y..., demeurant ..., Brou,
Les consorts D... et C...
A... ont, par un mémoire déposé au greffe le 1er décembre 1995, formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 avril 1997, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Mucchielli, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chevreau, Pierre, Colcombet, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, Mme Kermina, conseiller référendaire, M. Joinet, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Mucchielli, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de la Mutuelle des transports et de la société Carnis, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des consorts D... et de Mme A..., de Me Odent, avocat de l'UAP et de M. B..., de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Joinet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la voiture conduite par Mme Sylvie X... sur une route à deux voies séparées par une bande continue, a accroché l'ensemble routier de la société Carnis, conduit par M. Y..., qui circulait en sens inverse puis est entrée en collision avec le fourgon de la société Ercab, conduit par M. B..., qui suivait l'ensemble routier ;
Que Mme X... a été tuée sur le coup; que M. Y... a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu du chef d'homicide involontaire ;
que les ayants droit de Mme X... ont demandé réparation de leur préjudice moral à M. Y..., la société Carnis et son assureur, la Mutuellle des transports et à M. B..., la société Ercab prise en la personne de son liquidateur judiciaire et son assureur, l'UAP ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum la société Carnis et la Mutuelle des transports à réparer ces préjudices alors que, selon le moyen, d'une part, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident est tenu de réparer le dommage subi par la victime à la condition que l'accident soit en relation avec le dommage; que le tribunal de grande instance, compte tenu du non-lieu dont a bénéficié M. Y... concernant les faits d'homicide involontaire, a écarté l'existence d'une faute en relation avec l'accident et a admis que la conduite en état alcoolique n'a pas concouru à la réalisation du dommage; qu'en retenant, néanmoins, l'implication du véhicule de M. Y... dans l'accident sans rechercher si le décès de C... Blaise lui était directement imputable, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article précité; d'autre part, selon l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis; qu'après avoir retenu que M. Y... roulait à une vitesse normale dans le couloir de circulation correspondant à son sens de
circulation et que le décès de la victime consécutif au choc avec le véhicule qui suivait M. Y... procédait de la faute exclusive de Mme X..., d'où il résultait nécessairement que le premier choc était lui-même exclusivement imputable à cette dernière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article susvisé ;
Mais attendu qu'il appartient au conducteur ou au gardien du véhicule impliqué d'établir l'absence de lien entre le dommage et le fait de son véhicule ;
Et attendu que retenant que le véhicule de la société Carnis était impliqué dans l'accrochage avec la voiture conduite par Mme X..., que les circonstances de cet accident étaient indéterminées et qu'aucune faute n'était donc établie à l'encontre de la conductrice, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que les ayants droit de Mme X... devaient, même en l'absence de faute de M. Y... et alors que n'était pas invoqué devant elle l'absence de lien entre ce véhicule et le décès de la victime, obtenir réparation intégrale de leur préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, pour exclure toute indemnisation du préjudice subi par les ayants droit de Mme X... par la société Ercab, M. B... et l'UAP, l'arrêt retient la présence de l'automobile de Mme X... dans le couloir de circulation du véhicule conduit par M. B... malgré l'existence d'une ligne continue ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la présence du véhicule de Mme X... sur cette voie de circulation n'était pas la conséquence de la première collision dont les circonstances sont restées indéterminées et donc exclusive de toute faute de Mme X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la demande d'indemnisation par la société Ercab, M. B... et l'UAP, l'arrêt rendu le 6 décembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie UAP et de M. B... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.