AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. René X..., demeurant Mont du Moulin, 30750 Lanuejols, en cassation d'un arrêt rendu le 8 septembre 1994 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre), au profit de la Société alzonnaise de travaux publics (SATP), société à responsabilité limitée dont le siège est 30770 Alzon, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 avril 1997, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, conseillers, M. Nivôse, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. X..., de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la Société alzonnaise de travaux publics, M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nimes, 8 septembre 1994), que le département du Gard a conclu un marché de travaux publics avec un groupement d'entrepreneurs, dont la Société alzonnaise de travaux publics (SATP) était le mandataire à l'égard du maître de l'ouvrage; que M. X..., se plaignant de ne s'être vu confier que peu de travaux, puis aucun, a assigné la société SATP en indemnisation de son préjudice ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rabattre l'ordonnance de clôture et de fixer la clôture à la veille des débats, alors, selon le moyen, "d'une part, que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;
qu'en révoquant l'ordonnance de clôture sans établir l'existence d'une cause grave justifiant cette révocation, la cour d'appel a violé les articles 784 et 910 du nouveau Code de procédure civile; d'autre part, que le juge ne peut, par une même décision, révoquer l'ordonnance de clôture et statuer au fond, sans ordonner la réouverture des débats; d'où il suit qu'en rabattant l'ordonnance de clôture et en statuant au fond sans avoir rouvert les débats pour permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement, la cour d'appel a violé les articles 16, 784 et 910 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu que l'arrêt constate que les dernières conclusions ayant été signifiées postérieurement à la clôture, les avoués des parties ont donné leur accord exprès à la révocation de l'ordonnance de clôture et à sa fixation à la veille des débats; que, dès lors, M. X... n'est pas recevable à critiquer l'arrêt d'avoir accueilli une demande de révocation de l'ordonnance de clôture qu'il avait acceptée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, "que les conventions doivent être exécutées de bonne foi;
qu'en particulier, cette exécution ne doit pas priver de cause l'obligation de l'une des parties au contrat; qu'il résulte des constatations mêmes des juges du fond que les membres du groupement étaient solidaires entre eux envers le maître de l'ouvrage, si bien que ce dernier pouvait engager la responsabilité de chacun d'eux pour des travaux exécutés par d'autres; que cette solidarité impliquait que le mandataire du groupement, la SATP, procède à une répartition des travaux entre les membres du groupement à peu près équilibrée; qu'en se bornant à retenir que la SATP procédait à cette répartition souverainement, sans rechercher si elle exécutait son obligation de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1131, 1147, 1200 et 1984 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'aucun document ne précisait s'il existait une convention passée entre le mandataire, qui représentait l'ensemble des entrepreneurs vis-à-vis du maître de l'ouvrage, et les autres participants à ce groupement, et que M. X... ne démontrait ni la nature ni le contenu d'un mandat quant à la répartition des travaux, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a déduit que M. X... ne pouvait se plaindre d'un manquement de la société SATP, à des obligations qui n'étaient nullement définies dans un contrat, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais, sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner M. X... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il a causé un préjudice à l'entreprise SATP en engageant une procédure sans avoir le commencement d'une preuve de l'étendue du mandat et des obligations du prétendu mandataire ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer une somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts à l'entreprise SATP, l'arrêt rendu le 8 septembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la Société alzonnaise de travaux publics aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société alzonnaise de travaux publics ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.