Attendu que la société Sogaris a fait construire des entrepôts de marchandises équipés d'un système de sécurité contre l'incendie et a assuré sa responsabilité, à concurrence de 5 303 000 francs, pour le risque de dommages aux marchandises auprès de la compagnie Allianz ; que certains de ces entrepôts ont été donnés en location par la Sogaris à un commissionnaire de transport, la société Moiroud, qui y a entreposé des marchandises appartenant à plusieurs expéditeurs, étant précisé que ce bail faisait obligation à la société Moiroud d'assurer les marchandises contre le risque incendie, de renoncer à tout recours contre la société Sogaris et d'insérer dans les polices d'assurance une clause de renonciation à ce recours ; que la société Moiroud a passé avec les Assurances générales de France une police couvrant certaines marchandises et sa responsabilité et avec la compagnie d'assurances La Concorde un autre contrat d'assurance " transports tous risques par voie maritime, aérienne et terrestre " qui garantissait les " marchandises diverses que l'assuré aura reçu l'ordre d'assurer expédiées de tout point du globe à tout point du globe ", mais que la clause précitée de renonciation à recours contre la société Sogaris n'a pas été reproduite dans ces polices ; qu'en septembre 1987 une partie des entrepôts loués par la société Moiroud a été atteinte par un incendie, mais que l'essentiel des dommages aux marchandises qui y étaient déposées a été causé par des projections excessives d'eau du système de sécurité installé par la société Sogaris ; que les propriétaires des marchandises détruites ou détériorées par ce sinistre ont été indemnisés, à concurrence de 7 462 081 francs par la société La Concorde, qui a mis en cause la société Sogaris, à laquelle elle imputait la défectuosité du système de sécurité contre l'incendie, et son assureur, la société Allianz, qui a versé à la société La Concorde la somme de 5 303 000 francs correspondant à son plafond de garantie ; que cette dernière a alors engagé un recours subrogatoire contre la société Sogaris aux fins d'obtenir le solde de sa créance, et que celle-ci a appelé son locataire, la société Moiroud, en garantie en lui imputant à faute l'omission de la clause de renonciation à recours ; que l'arrêt attaqué a condamné la société Sogaris à payer à la compagnie La Concorde l'intégralité de sa créance et l'a déboutée de sa demande de garantie contre la société Moiroud ;
Sur les deux premiers moyens réunis qui sont fondés sur la contestation des mandats donnés par les propriétaires des marchandises sur la portée d'une assurance pour compte et sur les causes du sinistre :
Attendu, d'abord, qu'en application du premier alinéa de l'article L. 112-1 du code des assurances une assurance peut être contractée en vertu d'un mandat général ou spécial ou même sans mandat pour le compte d'une personne déterminée et que, dans ce dernier cas, l'assurance profite à la personne pour le compte de laquelle elle a été conclue ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que les propriétaires des marchandises détruites ou endommagées avaient bien chargé la société Moiroud d'assurer celles-ci et que tel était l'objet de la police d'assurance souscrite auprès de la compagnie La Concorde, l'autre police souscrite auprès des AGF concernant d'autres marchandises et la responsabilité de la société Moiroud ; que la juridiction du second degré a pu en déduire que l'assurance contractée auprès de la compagnie La Concorde ne profitait qu'aux propriétaires des marchandises et non à la société Moiroud et que la clause du bail passé entre la société Sogaris et la société Moiroud relative à la renonciation à recours n'était pas opposable à la compagnie La Concorde, subrogée dans les seuls droits des propriétaires des marchandises ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, procédant ainsi à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise, a constaté que la cause du dommage affectant les marchandises résidait dans la défectuosité du système de sécurité installé par la société Sogaris qui avait provoqué un déversement tardif et excessif d'eau ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de garantie de la société Sogaris contre la société Moiroud en raison de l'omission de la clause de renonciation à recours dans la police d'assurance passée avec la compagnie La Concorde, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que cette clause était inopposable aux bénéficiaires de l'assurance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant au regard de la faute contractuelle commise par la société Moiroud en ne reproduisant pas la clause de renonciation à recours contre la société Sogaris dans les contrats d'assurance qu'elle passait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions rejetant le recours en garantie formé par la société Sogaris contre la société Moiroud, l'arrêt rendu le 3 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.