AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Jules Y..., demeurant ...,
2°/ Mme Yvette Z..., épouse Y..., demeurant ...,
3°/ Mme Dominique A..., veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, Adéliaïde Y..., demeurant 17, Place Michelet, 78800 Houilles,
4°/ Mlle Annelise Y..., demeurant actuellement 272, Rue nationale, 59800 Lille,
5°/ Mlle Estelle Y..., demeurant 17, Place Michelet, 78800 Houilles, en cassation d'un arrêt rendu le 3 février 1995 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), au profit de M. Jean, Bernard B..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
En présence de : la société Adeca, société anonyme, dont le siège est ... ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 avril 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, M. Chartier, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de Me Hennuyer, avocat des consorts Y..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 février 1995), que M. Christian Y..., auquel s'est ultérieurement substituée la société Adeca, créée par lui à cet effet, s'est engagé, par acte sous-seing privé du 10 décembre 1990, à acquérir de M. B... les 10 000 actions constituant le capital de la SA Groupement assurances Champerret (GAC) au prix de 8 millions de francs, devant être payé le 28 décembre 1990;
que la cession n'ayant eu lieu que le 30 avril 1991, la société Adeca a alors versé 7,5 millions de francs aux acquéreurs, le solde, soit 720 000 francs, compte tenu d'une indemnité compensatrice de retard, devant être payé avant le 10 mai 1991;
que, ce règlement n'étant pas intervenu, un accord, signé le 8 juillet 1991, a reporté au 31 juillet 1991 le paiement de ce solde, M. et Mme Jules Y..., parents du débiteur s'étant portés caution;
qu'à défaut de paiement, le créancier a assigné la société Adeca, ainsi que Christian Y... et ses parents;
que ces derniers, arguant de ce que la situation comptable de la société GAC n'était pas conforme aux indications données par son propriétaire, ont demandé le sursis à statuer jusqu'à la mise en oeuvre par eux d'une procédure d'arbitrage prévue dans une convention de garantie du passif conclue entre M. B... et Christian Y... ;
que, par jugement du 31 mars 1992, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté cette requête et condamné solidairement les défendeurs à payer la somme réclamée;
que, sur appel de ces derniers, M. B... a mis en cause les héritiers de Christian Y..., décédé entre-temps, lesquels ont déclaré avoir renoncé à la succession;
que les époux Jules Y..., de leur côté, ont également demandé le sursis à statuer jusqu'à l'issue des poursuites pénales consécutives à leur plainte pour escroquerie contre M. B...;
que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes de sursis à statuer et confirmé la condamnation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des poursuites pénales, alors que, dans leurs conclusions, les époux Jules Y... faisaient état, non pas d'une plainte déposée par eux-mêmes mais de poursuites pénales engagées par les héritiers de Christian Y... et que l'arrêt attaqué, en omettant de se prononcer sur l'effet de cette plainte, a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé les articles 4 du Code de procédure pénale et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'il n'était pas justifié que la plainte déposée le 11 juillet 1994 à l'encontre de M. B... eut été suivie de consignation;
qu'à supposer que cette plainte eut été déposée, non par les époux Jules Y..., mais par les héritiers de Christian Y..., lesquels n'en ont, d'ailleurs, pas fait état, cette erreur matérielle ne serait pas de nature à entraîner la cassation de l'arrêt ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent encore à l'arrêt d'avoir refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une sentence arbitrale relative au jeu de la convention de garantie du passif, alors que le sursis à statuer, qui est d'ordre procédural, ne constitue nullement une seconde garantie et que l'arrêt attaqué, qui ne précise pas en quoi la sentence arbitrale serait exclue de la solution du litige, n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les articles 1134 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que les juges du fond ont relevé, d'une part, que les consorts Y... et la société Adeca ne contestaient pas devoir la somme de 720 000 francs;
d'autre part, que le seul lien dans les actes, entre cette somme et la garantie du passif portait sur le point de départ des intérêts conventionnels affectant ladite somme, retardé au jour où M. B... fournirait effectivement cette garantie bancaire, ce qu'il a fait le 30 mai 1991;
qu'interprétant sans la dénaturer la convention d'arbitrage, ils en ont déduit que la solution du litige était indépendante de la sentence à intervenir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les consorts Y... font également grief à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer la somme de 720 000 francs en principal, alors que la cour d'appel a laissé sans réponse le chef des conclusions des époux Jules Y... qui faisaient valoir qu'ils étaient bien fondés à soulever le dol conformément à l'article 1116 du Code civil;
qu'il a violé ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les appelants ne contestaient ni le principe ni le montant de leur dette et qu'ils ne formulaient aucune critique précise à l'encontre du jugement déféré;
que, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, elle a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que les consorts Y... reprochent enfin à l'arrêt d'avoir déclaré que les héritiers de Christian Y..., à savoir sa veuve et ses deux filles aînées, étaient tenus à la place de leur auteur, alors que, dans leurs conclusions signifiées le 2 décembre 1994, Mme Y... née Dominique A..., Mlle Annelise Y..., Mlle Estelle Y... et Mlle X...
Y... avaient demandé à la cour d'appel de constater les renonciations à la succession effectuées régulièrement par les héritiers de Christian Y..., lesdites renonciations ayant été régularisées au greffe du tribunal de grande instance de Versailles le 15 décembre 1993 par Mme Dominique A... épouse Y... et par Mlle Annelise Y..., le 7 avril 1994 par Mlle Estelle Y... et le 11 mai 1994 par Mme Dominique A... veuve Y... pour sa fille mineure, Mlle X...
Y...;
qu'ainsi, l'arrêt attaqué, qui n'a pas répondu aux conclusions des exposantes, a violé l'article 784 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si les héritiers Y... ont, dans leurs concluisons d'appel, demandé à la Cour de constater leur renonciation à la succession de leur auteur, l'arrêt attaqué a souverainement relevé qu'aucun document de nature à établir l'existence de cette renonciation n'avait été versé aux débats ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.