AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre X..., demeurant 62, place de la Gare, 01120 Montluel, en cassation d'un arrêt rendu le 23 novembre 1995 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre), au profit de Mme Gisèle Z..., divorcée X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 avril 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Monod, avocat de Mme Z..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que les époux Y..., mariés sous le régime de la séparation des biens, ont divorcé par jugement du 23 avril 1990;
que dans le cadre des opérations de liquidation de leur régime matrimonial, M. X... a demandé de fixer sa créance à la somme de 1 200 000 francs en déclarant révoquer la donation indirecte qu'il aurait consentie à son épouse du fait de l'acquisition à son nom le 29 mars 1978 de la maison d'habitation, qui constituait le domicile conjugal et dans laquelle il avait initialement installé son étude notariale, en réglant personnellement les échéances de l'emprunt contracté pour cette acquisition ainsi que divers travaux;
que l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 23 novembre 1995) l'a débouté de sa demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à cet arrêt d'avoir refusé de reconnaître sa créance découlant du paiement des échéances pour le compte de son épouse aux motifs que Mme Z... avait abandonné sa vie professionnelle pour se livrer aux soins du ménage et que le paiement par le mari de 3 000 francs par mois apparaît comme une compensation aux avantages tirés de la jouissance du local à titre professionnel, alors que, selon le moyen, en s'abstenant d'une part de préciser en quoi les soins apportés au foyer par l'épouse avaient dépassé sa contribution aux charges du mariage, d'autre part de rechercher si l'étude notariale de M. X... était restée suffisamment longtemps dans la maison pour permettre une économie de loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 214 et 1096 du Code civil ;
Mais attendu que pour pouvoir prétendre que les paiements par lui effectués pour le compte de son épouse constituaient une donation, il incombait à M. X... d'établir qu'ils n'avaient d'autre cause que son intention libérale;
qu'après avoir relevé que Mme Z..., qui avait travaillé longtemps avec un salaire bien supérieur à celui de son mari, avait par la suite abandonné toute vie professionnelle pour se livrer aux soins du ménage, à l'éducation des enfants, et occasionnellement à quelques menus travaux non rémunérés dans l'étude, la cour d'appel a implicitement, mais nécessairement déduit de ses constatations que cette assistance de l'épouse allait au-delà de son obligation de contribution aux charges du mariage et constituait la cause des versements faits par son mari;
qu'elle a ainsi, par ce seul motif, légalement justifié sa décision et que le grief invoqué à la seconde branche du moyen porte sur un motif surabondant ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de reconnaître sa créance au titre des travaux effectués dans la maison achetée au nom de son épouse, alors que, selon le moyen, d'une part la cour d'appel, qui n'a pas précisé quels travaux devaient incomber aux occupants et non au propriétaire des murs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1096 du Code civil, alors d'autre part, qu'en déduisant de la seule cessation de son activité professionnelle par Mme Z... qu'elle constituait la cause du paiement par M. X... des travaux incombant au propriétaire effectués dans la maison, la cour d'appel, qui ne relève pas que les soins apportés au foyer par l'épouse ont excédé sa contribution aux charges du mariage, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 214 du Code civil, et alors enfin que Mme Z... se bornait à prétendre que le règlement des travaux réalisés avait été passé par M. X... en charges professionnelles sans contester la nature et le montant des travaux en question, si bien qu'en déboutant M. X... de sa demande au motif que les documents comptables produits n'étaient justifiés par aucune pièce, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la créance de M. X... n'était pas établie de manière certaine et que les travaux invoqués relevaient en grande partie de ceux que doivent financer les occupants, la cour d'appel a pu estimer que le financement du surplus constituait la juste rémunération de l'épouse ayant renoncé à toute activité professionnelle pour pouvoir seconder son mari;
qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.