AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Union de crédit pour le bâtiment (UCB), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1996 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre civile, section A), au profit :
1 / de M. Philippe A...,
2 / de Mme Evelyne Y..., épouse A...,
demeurant ensemble ...,
3 / de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Paris et d'Ile-de-France, dont le siège est ...,
4 / de M. Jacques X..., notaire associé de la société civile professionnelle (SCP) Dubois-Lucas-Leclin, domicilié ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 septembre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Pronier, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, MM. Bourrelly, Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, Mme Fossaert-Sabatier, conseiller référendaire, M. Baechlin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de l'Union de crédit pour le bâtiment (UCB), de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X..., de Me Cossa, avocat des époux A..., de Me Spinosi, avocat de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Paris et d'Ile-de-France, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met M. X... hors de cause ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'aucune des prétentions des époux A... ne concernait la société Résidences Françoise Arnould (société RFA) et exactement retenu que l'argument de l'Union de crédit pour le bâtiment (l'UCB) quant à l'opposabilité de la décision de mainlevée d'hypothèque à cette société n'était pas déterminant, dans la mesure où cette décision était soumise aux dispositions du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que si l'acte de vente ne contenait pas l'obligation de verser les fonds sur un compte ouvert à l'UCB au nom du vendeur, les actes authentiques dressés par M. X... contenaient des clauses respectives qui étaient complémentaires et compatibles entre elles et que les difficultés étaient venues, non pas du fait de la rédaction des clauses par le notaire, mais en raison des agissements délictueux du dirigeant de la société RFA, la cour d'appel, devant laquelle l'UCB n'avait pas soutenu que M. X... avait commis une faute en affirmant de manière inexacte que l'immeuble financé par le prêt consenti par le Crédit agricole était libre de toute hypothèque, hormis celle inscrite au profit de cet établissement, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1165 du Code civil ;
Attendu que les conventions n'ont effet qu'entre les parties contractantes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 1996), que, suivant un acte reçu par M. X..., notaire, l'UCB a consenti à la société RFA une ouverture de crédit pour lui permettre la réalisation d'un programme immobilier comportant l'achat d'un terrain et la construction de maisons individuelles ; que l'acte stipulait que l'emprunteur s'engageait à verser au compte toutes les sommes qu'il recevrait des acquéreurs au titre du règlement du prix de vente des fractions d'immeubles et précisait que tout acte de vente devrait comporter l'obligation pour l'acquéreur de verser au compte ouvert à l'UCB au nom du vendeur toutes les sommes dues au titre de la vente ; que le crédit était assorti d'une affectation hypothécaire sur tous les immeubles ; que, suivant un acte notarié, reçu le 13 janvier 1990, par M. X..., la société RFA a vendu un pavillon aux époux A..., le prix étant payé au moyen d'un prêt consenti par le Crédit agricole et garanti par une inscription d'hypothèque sur le bien vendu ; que l'acte stipulait que les sommes dues seraient payables au domicile du vendeur au moyen de chèques établis à l'ordre de la société RFA, à l'exclusion de tout autre mode de paiement ; que les époux A... ont payé le prix moyennant un versement au comptant entre les mains du notaire et le solde en deux versements par le Crédit agricole sur le compte de la société RFA ; qu'à la suite de détournements de fonds commis par un dirigeant de la société RFA, l'UCB n'a pas encaissé la totalité des fonds sur un certain nombre de ventes ; qu'en 1995, les époux A... se sont engagés à vendre leur maison aux époux Z... ; que
l'UCB et le Crédit agricole ont refusé de consentir à la mainlevée de leurs hypothèques ; que les époux Z... ont renoncé à l'acquisition ; que les époux A... ont assigné l'UCB en mainlevée de l'hypothèque et l'UCB et le Crédit agricole en réparation de leur préjudice ; que l'UCB a appelé en garantie M. X... ;
Attendu que, pour ordonner la mainlevée de l'hypothèque, l'arrêt retient que si le paiement par les époux A... était prouvé, le défaut d'encaissement par l'UCB des fonds qu'ils avaient versés n'était pas démontré et que les époux A... étaient fondés à demander la mainlevée de l'hypothèque puisque l'UCB s'était engagée à la lever dès paiement intégral du prix ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les époux A..., acquéreurs, qui n'étaient pas parties au contrat de crédit conclu entre l'UCB et la société RFA, ne pouvaient se voir opposer la clause aux termes de laquelle l'UCB s'engageait à donner mainlevée de l'inscription dès que le prix aurait été intégralement payé par l'acquéreur et sans préciser à quel titre les époux A... pouvaient se prévaloir de cet engagement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit les époux A... en leur appel incident et en ce qu'il déboute l'UCB de sa demande en garantie contre M. X..., l'arrêt rendu le 28 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les époux A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des époux A... et de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.