Sur le moyen unique :
Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société Y... a diffusé, le 25 mai 1994, pendant son journal télévisé de 20 heures, un reportage, enregistré au préalable, relatant l'obtention frauduleuse, par des centres de formation professionnelle fictifs, de fonds publics destinés à cette formation, et la mise en examen de nombreuses personnes, dans le cadre d'une information pour escroquerie ; que, s'estimant diffamée par ce reportage, la société X..., exploitant le Centre d'affaires de Z..., a assigné Y... en réparation de son préjudice ;
Attendu que, pour débouter la société X... de ses demandes, l'arrêt énonce que le reportage vise exclusivement les malversations et escroqueries dont se rendraient coupables un grand nombre d'organismes de formation professionnelle et qu'il est exclusivement consacré au cas de la société A... ; que ni la brève apparition à l'écran du bâtiment abritant le Centre d'affaires de Z... ni la représentation du panneau portant l'enseigne de ce centre et le sigle de la société X... ne sont constitutifs de l'amalgame invoqué par la société X... ; que ni la société X... ni le Centre d'affaires de Z... ne sont, même allusivement, associés aux faits d'escroquerie imputés, dans les séquences consacrées au seul centre de formation A... à partir du moment où est montré à l'écran le sigle A... ; qu'en dénonçant l'un des mécanismes de la fraude, la domiciliation d'une société fictive dans un centre d'affaires, le journaliste n'a pas, fût-ce par voie d'insinuation, associé la société X... à cette fraude ;
Qu'en se déterminant ainsi, tout en constatant que les images télévisées, montrant l'immeuble du Centre d'affaires de Z... et le nom de ce centre en gros caractères auprès d'une liste de sociétés y ayant leur siège, dont X..., illustraient le commentaire selon lequel l'enquête judiciaire concernait une dizaine de centres de formation professionnelle, la plupart fictifs, simples boites postales dans des bureaux d'affaires, ce qui caractérisait la diffamation envers la société d'exploitation du Centre d'affaires de Z..., désignée comme étant impliquée dans la fraude dénoncée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.