AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Maurice X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 octobre 1996 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), au profit de Mme Nicole A..., épouse Z..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 décembre 1998, où étaient présents : M. Guerder, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Dorly, conseiller rapporteur, M. Pierre, conseiller, M. Chemithe, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dorly, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme A..., épouse Z..., les conclusions de M. Chemithe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 1996), qu'un litige de voisinage a opposé Mme Z... à M. X... sur plusieurs chefs ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables des conclusions et pièces déposées par M. X... avant l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à énoncer que M. X... avait déposé des pièces et conclusions deux et trois jours avant la date de l'ordonnance de clôture, sans constater qu'une injonction de conclure ou de produire lui avait parallèlement été délivrée, et sans caractériser les circonstances qui auraient empêché Mme Z... de répondre à ces écritures dont le contenu n'était pas même précisé, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'atteinte aux droits de la défense et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, M. X..., ayant déjà conclu et produit des pièces, n'avait pas à recevoir une nouvelle injonction à cet effet ;
Et attendu que l'arrêt retient que M. X... a attendu le 9 septembre 1996 pour signifier de nouvelles conclusions et le lendemain pour communiquer de nouvelles pièces alors que l'ordonnance de clôture était fixée et a été rendue le 12 septembre suivant, ce qui n'a pas permis à son contradicteur d'organiser sa défense en répondant en temps utile ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, justifiant légalement sa décision, a pu déduire que M. Y... avait méconnu les dispositions de l'article 15 du nouveau Code de procédure civile, et écarter, comme irrégulières, ces conclusions et ces pièces ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. Y... au déplacement de l'abri du poney sous astreinte et à des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en ne précisant pas en quoi l'existence de fortes odeurs et la présence de mouches constituaient, en l'espèce, au regard des usages du lieu, un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil ;
d'autre part, que l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental qui vise exclusivement l'implantation des bâtiments d'élevage ou d'engraissement n'est pas applicable à la présence d'un unique animal d'agrément ; qu'en se fondant cependant sur ce texte la cour d'appel l'a violé par fausse application ;
Mais attendu qu'après avoir relevé l'existence de fortes odeurs et la présence de mouches dues à la proximité de cet animal dont l'abri se trouvait à 5 mètres de la maison de Mme Hutin c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel en a déduit que ces troubles excédaient les inconvénients normaux du voisinage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. X... à des dommages-intérêts pour un affichage, alors, selon le moyen, que, d'une part, le seul fait de porter à la connaissance de tiers une mise en demeure et une dénonciation de constat d'huissier n'est pas, en soi, constitutif d'une faute ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ; d'autre part, que l'affichage d'une mise en demeure et d'une dénonciation de constat d'huissier ne peut avoir en soi pour but ou pour effet de révéler un fait ayant le caractère d'intimité au sens de l'article 9 du Code civil et ne porte en conséquence aucune atteinte à la vie privée et à l'image ; qu'en l'absence de tout élément permettant de dire en quoi les textes affichés, qui se référaient exclusivement aux griefs formulés contre M. X... par Mme Z... et qui étaient le prétexte à une procédure publique, portaient atteinte à l'intimité de la vie privée de cette dernière, la cour d'appel a ainsi violé le texte susvisé ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. Y... a affiché à l'intérieur de sa propriété de manière délibérée, pour que cela soit rendu visible et lisible de la voie publique, à travers un grillage, les copies d'une mise en demeure émanant de Mme Z... et la dénonciation d'un constat d'huissier qu'elle avait fait établir ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que cet affichage avait un caractère fautif au regard de l'article 1382 du Code civil ; que, par ce seul motif, la décision se trouve légalement justifiée ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Y... de sa demande en paiement d'une somme de 2 253,40 francs, alors, selon le moyen, que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ou à l'absence de qualification juridique de leur demande ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour rejeter la demande de M. X..., à relever qu'il ne précisait pas le fondement de sa demande, la cour d'appel a violé l'article 12, alinéas 1 et 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, en retenant l'absence de toute faute de Mme Z... ou de présomption de responsabilité pesant sur elle pour le chef de demande relatif à un glissement de terrain, n'encourt pas le grief du moyen ;
D'où il suit que celui-ci n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Y... de ses demandes de dommages-intérêts relatives à un empiètement sur sa propriété, alors, selon le moyen, que nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique ;
qu'en conséquence, l'empiétement sur la propriété d'autrui suffit à caractériser une faute et un préjudice au sens de l'article 1382 du Code civil et oblige son auteur à réparation en nature ou par équivalent ; qu'en l'espèce, en subordonnant la demande de dommages-intérêts pour empiétement formée par l'exposant à la démonstration d'un préjudice supplémentaire, la cour d'appel a violé les articles 545 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, M. Y... s'étant borné à demander qu'il lui soit donné acte de ses protestations pour l'empiétement sur son terrain du mur de Mme Z... qui avait fait disparaître la borne séparative, la cour d'appel, en rejetant une demande de dommages-intérêts de ce chef, s'est prononcée sur une chose non demandée ;
D'où il suit qu'en vertu des articles 463 et 464 du nouveau Code de procédure civile le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.