AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gilbert X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 novembre 1995 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re Chambre, Section B), au profit :
1 / du conseil de l'Ordre du barreau de Marseille, dont le siège est au Palais de Justice de Marseille, 13281 Marseille Cedex 6,
2 / du procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en son Parquet sis au Palais de Justice, ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mars 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Cottin, conseiller rapporteur, Mme Y..., M. B..., Mme A..., MM. Aubert, Bouscharain, conseillers, Mmes Z..., Verdun, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Cottin, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat du conseil de l'Ordre du barreau de Marseille, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 1995), que M. X..., avocat au barreau de Marseille, a, pour désintéresser certains créanciers d'une société dans laquelle ses clients avaient des intérêts, utilisé des fonds qui étaient destinés au paiement partiel d'un autre créancier ; que le conseil de l'Ordre, devant qui il était reproché à M. X..., outre les faits précités, un dysfonctionnement dans la gestion de fonds, a déclaré M. X... coupable des seuls premiers faits en précisant qu'ils constituaient un manquement aux obligations de probité et de délicatesse prévues à l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 et a prononcé à son encontre la peine d'un an d'interdiction temporaire assortie du sursis, la privation du droit de faire partie du conseil de l'Ordre pendant cinq ans et la publicité de la peine disciplinaire ; que, sur recours de M. X..., la cour d'appel, également saisie d'un appel incident du procureur général, a confirmé cette décision, sauf en ce qui concerne la peine d'interdiction temporaire qui a été portée à une année, dont neuf mois avec sursis ;
Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Marseille :
Attendu que M. X... a dirigé son pourvoi tant contre le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Marseille que contre le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Attendu qu'ainsi que le fait valoir ledit conseil de l'Ordre, celui-ci, juridiction disciplinaire du premier degré, ne peut être partie à la procédure disciplinaire et que le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre lui, est irrecevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel, alors que le ministère public avait été débouté de son appel incident qui, selon le moyen, ne concernait que la poursuite relative au dysfonctionnement de la gestion des fonds, avec ses conséquences sur le principe de la culpabilité de ce chef et le quantum de la peine, d'avoir aggravé sur son seul appel principal la peine prononcée contre lui par le conseil de l'Ordre ;
Mais attendu que, dans ses conclusions, le ministère public sollicitait, outre la confirmation de la décision du conseil de l'Ordre quant à la culpabilité de M. X... sur la commission des faits, ayant abouti au désintéressement de certains créanciers au détriment d'un autre, et l'infirmation de la décision quant à la relaxe de la poursuite visant le dysfonctionnement de la gestion de fonds, l'aggravation de la peine prononcée ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a pu, tout en confirmant la décision du conseil de l'Ordre sur l'étendue des faits dont s'était rendu coupable M. X..., aggraver la peine prononcée contre lui ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir exclu M. X... du bénéfice de l'article 14 de la loi du 3 août 1995, portant amnistie, en se bornant à énoncer que les faits qui lui étaient reprochés constituaient des manquements aux obligations de probité et de délicatesse, alors, selon le moyen, que le fait contraire à la probité suppose, de la part de son auteur, un profit personnel indu et la conscience de commettre un acte frauduleux ;
Mais attendu que le manquement à la probité, qui constitue une infraction disciplinaire, ne requiert pas la constatation de l'intention frauduleuse, élément constitutif d'une infraction pénale ; qu'il ne requiert pas non plus un profit personnel indu au bénéfice de l'avocat ; que la cour d'appel, qui a relevé, par des motifs propres et adoptés, que M. X... avait délibérément agi, dans l'intérêt de ses clients, pour que certains créanciers puissent être remplis de leurs droits au détriment d'un autre, a ainsi caractérisé un comportement contraire à la probité ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare IRRECEVABLE le pourvoi formé par M. X... en ce qu'il est dirigé contre le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Marseille ;
REJETTE le pourvoi formé contre le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer au conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Marseille la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.