AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Veradour, société anonyme, venant aux droits de la société Veradour SICA, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1996 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), au profit :
1 / de M. Yannick X..., ès qualités de liquidateur de la société des Etablissements
Y...
frères, domicilié ...,
2 / de la société Lomco, dont le siège est 47140 Escoute-Saint-Sylvestre,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mai 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, MM. Ancel, Durieux, Mme Bénas, MM. Sempère, Bargue, conseillers, Mmes Bignon, Catry, Teytaud, conseillers référendaires, Mme Petit, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Veradour, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Lomco, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 novembre 1996), qu'à la suite de la résiliation anticipée d'un contrat de commercialisation liant la société d'intérêt collectif agricole SICA Veradour (la société Veradour) à la société des Etablissements
Y...
frères (la société Y...), une première sentence arbitrale a déclaré fondée en son principe la demande de cette dernière société en paiement de dommages-intérêts ; qu'une seconde sentence arbitrale, rendue après expertise, a fixé à une certaine somme l'ensemble des préjudices subis par la société Y... et ordonné la compensation de cette somme avec celle, d'un montant inférieur, que cette société avait déjà retenue par une saisie-arrêt entre ses propres mains ; que l'arrêt attaqué a débouté la société Veradour de sa demande tendant à ce que soit prononcée la nullité des saisies et à ce que le liquidateur soit condamné à rembourser les sommes provenant de ces procédures d'exécution, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer sur la nullité des saisies jusqu'à l'intervention d'une décision définitive sur la procédure pénale engagée contre les dirigeants de la société Y... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Veradour, venant aux droits de la SICA Veradour, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir ordonner le sursis à statuer, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en retenant que l'incidence, sur le sort du présent litige, de la procédure pénale en cours engagée à l'encontre des consorts Y... apparaît peu probable tout en constatant d'autre part que le sort de cette procédure pénale ne peut aucunement influer sur celui du présent litige, l'arrêt a statué par des motifs contradictoires insusceptibles de justifier son rejet de la demande de sursis à statuer ; alors que, d'autre part, à l'appui de sa demande de sursis à statuer, la société Veradour faisait valoir dans ses conclusions d'appel que, dans le cadre de l'information ouverte à leur encontre, MM. Claude et Patrick Y... avaient été inculpés du chef de banqueroute, faux, usages de faux en écritures, escroquerie et abus de biens sociaux, que cette procédure pénale était susceptible d'entraîner la remise en cause du titre dont l'exécution faisait l'objet du présent litige, et qu'en se bornant à affirmer que la procédure pénale en cours était dépourvue d'incidence sur le présent litige, la cour d'appel n'a pas, en tout état de cause, justifié légalement sa décision au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que les motifs dont la contradiction est invoquée n'ont pas le même objet ; que le premier concerne la révision de la sentence arbitrale relative à l'indemnisation du préjudice subi par la société Y... du fait de la rupture du contrat par la société Veradour, tandis que le second a trait à la demande portée devant la cour d'appel relativement aux procédures d'exécution pratiquées ;
Et attendu que les dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale ne concernent pas la poursuite d'une voie d'exécution ;
D'où il suit que le moyen manque en fait dans sa première branche et est inopérant dans sa seconde ;
Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'il est exposé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :
Attendu, d'abord, que, jusqu'à sa signification au débiteur cédé ou son acceptation par celui-ci, la cession de créance n'a d'effet qu'entre les parties, et que les tiers, et notamment le débiteur cédé, ne peuvent ni se la voir opposer ni s'en prévaloir ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'en constatant le caractère libératoire des paiements effectués par la société Veradour entre les mains de M. X..., ès qualités, la cour d'appel a, par là même, effectué la recherche prétendument omise ;
Attendu, ensuite, qu'en sa troisième branche, le moyen est inopérant, s'agissant de savoir si le cessionnaire, et non le cédant, pouvait se prévaloir d'une cession de créance en l'absence de signification ;
Et attendu, enfin, que, pour retenir l'absence d'effet de la cession de créance du 18 janvier 1994, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en constatant que les saisies du 4 février 1993 avaient donné lieu à exécution le 22 septembre 1993, donc antérieurement à cette cession ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Veradour aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure ciivle, condamne la société Veradour à payer à la société Lomco la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.