Attendu que la Banque franco-yougoslave ayant poursuivi le déblocage à son profit de sommes figurant au crédit du compte ouvert auprès du Crédit lyonnais au nom de la Banque nationale yougoslave, la République de Slovénie, se prévalant de sa qualité d'Etat successeur de l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour faire interdire aux établissements bancaires assignés de disposer, au cas où ils en détiendraient, des fonds ayant appartenu à la République socialiste fédérative de Yougoslavie ou à sa banque centrale ; que ce blocage a été demandé jusqu'à intervention d'un accord entre les Etats successeurs ou d'une décision internationale ayant force exécutoire, réglant définitivement la répartition de ces actifs ; que les Républiques de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de Macédoine se sont associées à cette demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la République fédérale de Yougoslavie et la Banque nationale de Yougoslavie aux côtés de laquelle elle est intervenue volontairement, font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 1997) d'avoir écarté les immunités de juridiction et d'exécution qu'elles invoquaient et d'avoir fait droit aux demandes qui lui étaient soumises, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en statuant sur le point de savoir si la République socialiste fédérative de Yougoslavie avait disparu, si la République fédérale de Yougoslavie en était la continuation et si une succession internationale d'Etat s'était ouverte au profit des Républiques de Croatie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine et Slovénie, et en tranchant ainsi des questions relatives au droit international public ne pouvant être réglées que selon les procédures prévues par ce droit en tant qu'il organise les relations entre Etats souverains, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des règles de droit international régissant les rapports entre Etats, ensemble l'article 3 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la continuité avec la République socialiste fédérative de Yougoslavie, proclamée dans sa Constitution de 1992, ne se manifestait pas au plan international par la constance des relations diplomatiques entretenues avec cent-trente Etats, de sorte qu'elle ne pouvait pas conclure à une " évidence " ni à une " unanimité " quant à la disparition de la République socialiste fédérative de Yougoslavie à partir de textes internationaux, dépourvus de valeur nominative et se prêtant à des lectures contradictoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes règles de droit international et de l'article 3 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en relevant l'existence d'un doute sur l'identité de l'actuelle Banque nationale de Yougoslavie avec l'institut d'émission, émanation de l'Etat dissous qui portait le même nom, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence de continuité de la Banque nationale de Yougoslavie à travers les événements ayant affecté la Yougoslavie et, partant, a privé de base légale, au regard des règles précitées de droit international et de l'article 3 du Code civil, son refus de reconnaître les immunités de juridiction et d'exécution à cette banque ;
Mais attendu que le droit international ne prévoyant aucune procédure spécifique pour déterminer si un Etat a disparu et s'il a un continuateur, l'arrêt attaqué qui s'est, à bon droit, fondé sur la position adoptée par la Communauté internationale pour constater que la République socialiste fédérative de Yougoslavie avait disparu pour donner naissance à des Etats qui n'étaient pas ses successeurs, n'avait pas à rechercher la constance des relations diplomatiques de la République fédérale de Yougoslavie dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un Etat souverain, appréciation sans influence sur le point de savoir s'il est ou non le seul continuateur de la République socialiste fédérative de Yougoslavie et habile, à ce titre, à invoquer les immunités de juridiction et d'exécution de cette dernière ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a relevé qu'il existait une contestation sur l'identité de l'actuelle Banque nationale de Yougoslavie avec l'institut d'émission de l'Etat dissous qui portait le même nom, n'a pu que décider que les avoirs de cet Etat et de sa banque centrale, dont il n'était pas discuté qu'elle participait, en tant qu'institut d'émission, à des prérogatives de souveraineté d'un Etat aujourd'hui disparu, n'étaient pas susceptibles d'être couverts par les immunités de juridiction et d'exécution ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en ses première et troisième branches, est inopérant en sa deuxième branche ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dénié à la République fédérale de Yougoslavie le bénéfice des immunités de juridiction et d'exécution et prononcé des mesures conservatoires produisant effet à son encontre, alors, selon le moyen, que la République fédérale de Yougoslavie est un Etat souverain qui, indépendamment de la question de sa continuité avec la République socialiste fédérative de Yougoslavie, a vocation à bénéficier des immunités de juridiction et d'exécution, de sorte que, dès lors que les autres Républiques n'ont pas prétendu qu'elle s'était livrée à une gestion de nature privée et que les fonds litigieux étaient affectés à une activité privée, la cour d'appel a violé les principes de droit international privé régissant les immunités des Etats étrangers ;
Mais attendu que la cour d'appel, en l'absence de traité international en la matière, n'avait pas à rechercher d'office si la République fédérale de Yougoslavie bénéficiait, pour elle-même, des immunités de juridiction et d'exécution qui, n'étant pas absolues, doivent être invoquées par l'Etat étranger qui s'y prétend fondé ; que le moyen est nouveau et que, mélangé de fait, il est irrecevable ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en omettant de rechercher si la Banque nationale de Yougoslavie, en tant que banque centrale de la République fédérale de Yougoslavie, et indépendamment de la question de sa continuité avec l'institut d'émission de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, n'échappait pas au pouvoir juridictionnel des tribunaux français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des principes de droit international privé régissant les immunités des Etats étrangers ; et alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas si, en tant que banque centrale de la République fédérale de Yougoslavie, en toute hypothèse, l'un des successeurs de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, la Banque nationale de Yougoslavie n'exerçait pas des prérogatives de souveraineté et si les fonds qu'elle détenait n'avaient pas une affectation publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes principes ;
Mais attendu que la Banque centrale de la République fédérale de Yougoslavie ne peut davantage bénéficier de ces immunités dès lors que le litige, qui concerne des fonds déposés au nom de la République socialiste fédérative de Yougoslavie et de sa Banque centrale de l'époque, ne porte pas sur un acte de puissance publique accompli par la Banque nationale de Yougoslavie agissant pour le compte de l'actuelle République fédérale de Yougoslavie, et que la cour d'appel n'avait pas à procéder aux recherches énoncées au moyen ;
D'où il suit que le troisième moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la compétence du juge des référés pour faire interdiction à des établissements de crédit de disposer au profit de quiconque des fonds détenus au nom de la République socialiste fédérative de Yougoslavie et de la Banque nationale de Yougoslavie et leur enjoindre de communiquer certains renseignements, alors, selon le moyen, d'abord, qu'en tenant pour incontestables les droits des Républiques de Croatie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine et Slovénie sur les avoirs déposés en France par la République socialiste fédérative de Yougoslavie et la Banque nationale de Yougoslavie, la cour d'appel a, en violation de l'article 484 du nouveau Code de procédure civile, empiété sur la compétence réservée aux Etats concernés ou à une juridiction internationale agréée par eux pour régler le sort des avoirs litigieux et, ensuite, qu'en énonçant, d'une part, que les droits de quatre Républiques sur les avoirs détenus en France au nom de la Banque centrale de Yougoslavie sont incontestables et, d'autre part, que la qualité d'ayants droit des mêmes Républiques à l'égard de la Banque nationale de Yougoslavie, compte tenu de l'ambiguïté de cette identité, n'est pas évidente, la cour d'appel s'est contredite ;
Mais attendu que c'est sans se contredire que la cour d'appel qui, se bornant à prononcer une mesure conservatoire et provisoire, a constaté que les droits de ces Républiques restaient en litige et étaient donc indéterminés en l'absence d'accord des intéressés ou de décision internationale sur la question, a énoncé que les mesures demandées étaient propres à protéger les droits de tous, y compris de la Banque franco-yougoslave, dans l'attente d'une décision de répartition que les cinq Républiques et, partant, la République fédérale de Yougoslavie, se sont mutuellement engagées à prendre par voie d'accords ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le cinquième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt d'avoir retenu le pouvoir du juge des référés, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il appartenait aux établissements bancaires détenteurs des fonds litigieux, tenus de ne les restituer qu'à une personne ayant qualité pour les recevoir, de porter devant le juge de l'exécution la difficulté née de la saisie opérée par la Banque franco-yougoslave au regard des prétentions contraires des Etats continuateurs ou issus de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, de sorte qu'en retenant néanmoins l'existence d'un différend et l'imminence d'un dommage justifiant que le juge des référés ordonne les mesures sollicitées et en omettant de soulever, au besoin d'office, son incompétence, la cour d'appel a violé les articles 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire ; et alors, d'autre part, qu'il n'appartient pas à une juridiction de l'ordre judiciaire de transposer en droit interne les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies dont la mise en oeuvre relève, selon les cas, du législateur ou du pouvoir réglementaire, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que le moyen tiré de l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution ne peut être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation ; qu'étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ; que, d'autre part, l'arrêt attaqué, par les motifs critiqués à la seconde branche du moyen, ne fait que répondre aux conclusions de la République fédérale de Yougoslavie et de la Banque nationale de Yougoslavie soutenant que les mesures prises par le premier juge contrevenaient aux décisions du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies ; d'où il suit que la seconde branche du moyen ne peut être accueillie ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.