AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I/ Sur le pourvoi n° K 97-15.232 formé par :
- Mme Eliane Y..., demeurant ...,
contre :
1 / M. David X..., demeurant ...,
2 / la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
II/ Sur le pourvoi n° Y 97-13.105 formé par :
- M. David X...,
contre :
1 / Mme Eliane Y...,
2 / la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne,
défenderesses à la cassation ;
en cassation d'un même arrêt rendu le 18 février 1997 par la cour d'appel de Paris (17e chambre, section A) ;
La demanderesse au pourvoi n° K 97-15.232 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi n° Y 97-13.105 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 octobre 1999, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Dorly, conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pierre, Mme Borra, M. Séné, Mme Solange Gautier, MM. de Givry, Etienne, Mme Bezombes, M. Mazars, conseillers, Mmes Batut, Kermina, M. Trassoudaine, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dorly, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. X..., de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° K 97-15.232 et Y 97-13.105 en raison de leur connexité ;
Donne acte à M. X... de ce qu'il s'est désisté de son pourvoi en tant que dirigé contre la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un accident est survenu entre Mme Y..., qui traversait à pied une rue, et M. X... qui circulait sur son cyclomoteur ; que celui-ci, blessé, a demandé à Mme Y... la réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique du pourvoi de Mme Y..., pris en sa première branche :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli partiellement la demande de M. X..., alors, selon le moyen, d'une part, que la victime d'un accident de la circulation ne peut, si elle n'était pas conducteur d'un véhicule, se voir opposer des fautes non inexcusables pour réduire l'indemnisation du préjudice corporel qu'elle a subi ; qu'il suit de là que la demande d'indemnisation du préjudice corporel subi par un conducteur du fait d'une faute d'un piéton qui a lui-même subi un dommage corporel ne peut être dirigée que contre l'assureur de celui-ci ; qu'en condamnant Mme Y..., piéton victime d'un accident de la circulation, à indemniser le préjudice que le conducteur a subi à raison d'une faute simple, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que, par motifs non critiqués l'arrêt ayant retenu une faute de Mme Y..., c'est à bon droit que la cour d'appel l'a déclarée responsable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi de Mme Y..., pris en sa seconde branche :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli partiellement la demande, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait des pièces versées aux débats que M. X... avait subi un préjudice sans analyser celles-ci, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, motivant sa décision sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, n'a pas encouru le grief du moyen, qui n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi de M. X... :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de n'avoir accueilli que partiellement sa demande, alors, selon le moyen, d'une part, que ne commet aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité dans l'accident dont il a été victime le cyclomotoriste qui, circulant sur une chaussée à sens unique et s'apprêtant à opérer un virage à gauche après le carrefour qu'il vient de traverser, se déporte sur la gauche de la chaussée pour effectuer cette manoeuvre ; que l'énonciation sus- rapportée, selon laquelle M. X... circulait à gauche de la chaussée dans son sens de marche, ne caractérise aucune faute à la charge de M. X... susceptible de justifier le partage de responsabilité opéré ;
qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; d'autre part, qu'en retenant à la charge de M. X... qu'il circulait "à vive allure" sans autrement préciser la vitesse du cyclomotoriste -qui ne peut qu'être limitée- et cependant qu'aucun procès-verbal d'excès de vitesse n'a été dressé à l'encontre de celui-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, que M. X... circulait à gauche de la chaussée dans son sens de marche et à vive allure ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, justifiant légalement sa décision, a pu déduire qu'il avait commis une faute et souverainement apprécié le partage de responsabilité qui en découlait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi de M. X..., pris en sa première branche :
Vu les articles 561 et 562 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir, par infirmation du jugement, accueilli partiellement la demande de M. X... et ordonné une expertise sur son préjudice, l'arrêt renvoie au Tribunal pour qu'il soit statué sur la liquidation de ce préjudice ;
En quoi la cour d'appel, méconnaissant le principe de l'effet dévolutif de l'appel, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le tribunal de grande instance de Paris devra procéder à la liquidation du préjudice, l'arrêt rendu le 18 février 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Retranche du dispositif de l'arrêt le chef décidant qu'il appartiendra à cette juridiction de procéder à la liquidation du préjudice de M. X... ;
Met à la charge du Trésor public les dépens devant la Cour de Cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Y... et de M. X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.